Poursuivre judiciairement les dérives sectaires dans le domaine de la santé

En septembre dernier, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a signé une convention de partenariat avec l’Ordre national des infirmières. Ce partenariat vise à informer et à sensibiliser les infirmières sur les risques de dérives sectaires dans le domaine de la santé afin notamment de caractériser les dérives dans le cadre de poursuites judiciaires.

La remise en question des soins « conventionnels » n’est pas récente et donne parfois aux patients des raisons de recourir à des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique. Lorsqu’ils sont confrontés à des dérives thérapeutiques voire sectaires, ces patients disposent d’un arsenal juridique suffisant mais force est de constater que les poursuites judiciaires
sont souvent difficiles à mettre en oeuvre.
 

Les dépôts de plainte sont peu fréquents et souvent trop tardifs (prescription des faits), et les preuves difficiles à établir. Sur la période 2011-2012, seules vingt-cinq procédures liées à des dérives sectaires dans le domaine de la santé ont été recensées.
 

La situation est encore plus compliquée lorsqu’il s’agit de professionnels utilisant des thérapies déviantes. Par les liens de proximité tissés avec leurs patients, les infirmières peuvent constituer des cibles privilégiées pour les mouvements sectaires. Normalement tenues par les règles déontologiques, comme l’obligation de ne pas utiliser de techniques de soins non éprouvées scientifiquement, certaines peuvent cependant cumuler plusieurs activités
dont certaines peuvent avoir un caractère sectaire.
Des propositions de techniques telles que le reiki, l’irrigation du colon ou la vente de compléments alimentaires doivent éveiller la vigilance.
 

Lors de leur audition du 04 avril 2012, le secrétaire général et le directeur de l’Ordre national des infirmières ont révélé à la commission du Sénat1 que, faute de remontées spécifiques pour ce type de manquement déontologique, il existe peu de statistiques. Dans ses recommandations, le Sénat avait préconisé la déclaration systématique de ces cas à l’Agence régionale de la santé (ARS).

(Source : L’infirmière libérale magazine, n° 319, novembre 2015)

1- Commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Lire sur le site de l’Unadfi : https://www.unadfi.org/domaines-infiltration/sante-bien-etre/sénat-commission-denquête

À savoir

Arsenal juridique

– Les privations de soins peuvent être sanctionnées sur la base de la non-assistance à personne en danger.

Non-assistance à personne en danger : Art. 223-6 du Code pénal, passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.

– L’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse permet de poursuivre les personnes suspectées de pressions psychologiques ou physiques, graves ou réitérées, sur des personnes vulnérables, les conduisant à un acte ou à une abstention qui leur est gravement préjudiciable. C’est le cas des « thérapeutes » qui mettent la vie de malades en danger, les incitant à arrêter leur traitement au profit de thérapies « fantaisistes » et à rompre tout lien avec leur médecin.

Abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse : Art. 223-15-2 du Code pénal, puni de trois de prison et de 375 000 euros d’amende

– La loi permet également de sanctionner sur la base d’exercice illégal d’une profession de santé ou d’usurpation de titres celles et ceux qui parviennent à tromper des patients sur leurs réelles compétences médicales. Le charlatan d’aujourd’hui gagne sa respectabilité en mêlant langage scientifique et pseudo-scientifique, en mettant en avant plusieurs formations [souvent non reconnues], en donnant à leur local des allures de cabinet médical…

* Exercice illégal de la profession d’infirmière (Art. L.4314-4 du Code de la santé publique, CSP), de médecin (Art. L.4361-1 du CSP) ou de kinésithérapeute (Art. L.4323-4 du CSP) passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
* Usurpation de titre : Art. 433-17 du Code pénal, puni de un an de prison et de 15 000 euros d’amende.