Les nouveaux charlatans de la santé

Une enquête sur des médecins qui, sous prétexte de méthodes alternatives, n’hésitent pas à proposer « d’étranges remèdes ».


Un premier cas de figure : un médecin bordelais qui a prescrit des gélules composées de kératine et de sang d’âne à un malade atteint d’un cancer de la prostate pour la bagatelle de 3.000 euros.

Ce phénomène des pseudo-médecines s’amplifie, la tendance étant de se référer de moins en moins à la figure d’un maître et de plus en plus à des « méthodes » non éprouvées, voire dangereuses. « Nous n’avons pas vu venir l’évolution », admet Catherine Picard, présidente de l’UNADFI, qui explique que l’on « assiste à un éclatement, une nucléarisation » de tous les groupes qui profitent « des failles de la médecine traditionnelle ».

A titre d’exemple, la journaliste revient sur deux affaires.

La première est celle des Docteurs Guéniot et Saint-Omer jugée à Lille le 7 septembre 2006. Une mère de famille était décédée en 1997 pour avoir suivi les prescriptions médicales illusoires des deux médecins, liés tous deux au Mouvement du Graal, répertorié comme sectaire dans les deux rapports parlementaires de 1995 et de 1999.

La seconde affaire est ô combien révélatrice du phénomène puisqu’il s’agit de la Méthode du « Docteur » Hamer. Son mouvement « n’en finit pas de faire des émules en France comme à l’étranger » et ce, malgré des condamnations judiciaires. Selon la théorie de Ryke G. Hamer (radié de l’Ordre des Médecins allemands en 1986 puis condamné en appel par la justice française en 2004), « tout cancer est déclenché par un choc psychologique brutal, un conflit aigu et dramatique, vécu dans l’isolement » et la localisation du cancer est elle-même déterminée par le sujet du conflit. Théorie qualifiée de farfelue dès 1993 par le cancérologue Simon Schraub.

Et pourtant, elle continue à convaincre des médecins ! Certains d’entre eux « sont même personnellement impliqués » dans des théories approchantes qui relient l’origine de toute maladie à un événement traumatisant antérieur.

Ainsi en est-il de Claude Sabbah pour qui un traumatisme non résolu s’inscrit dans un « cycle biologique cellulaire » et se transmet de « génération en génération ». Il s’est créé sa « spécialité » : la biologie totale des êtres vivants qu’il « enseigne », lors de séminaires, à un public médical ou para-médical.

En outre, il propose également un « séminaire de base » animé par des disciples, tel le médecin généraliste Didier Escassut, homéopathe et acupuncteur, installé à Lattes dans l’Hérault. Ce dernier a pourtant été condamné, le 26 octobre 2002, par le Conseil Régional du Languedoc-Roussillon, à six mois d’interdiction d’exercer la médecine « pour pratiques charlatanesques ».

Autre animateur de ce « séminaire de base » : le Dr Claude Fajeau, radié « à sa demande » et auteur d’ouvrages aux titres explicites (« Le processus biologique du Mal-a-dit », « La Maladie, un deuil inachevé »…). Il n’hésite pas à traiter des malades du sida par la psychobiologie « à l’exclusion bien entendu de toute autre forme de traitement ».

C’est ce que constate, en effet, le Dr Aubry, responsable du Département douleurs et soins palliatifs au CHU de Besançon qui, se référant au cancer, observe que « le traitement axé sur la genèse de la maladie exclut souvent les autres thérapeutiques ».

Source : Panorama du Médecin – Alexandrine Civard-Racinais