
Pendant près de trente ans, des enfants ont été maltraités au sein de la secte bouddhiste Ogyen Kunzang Chöling (OKC), fondée par Robert Spatz, alias lama Kunzang. Les victimes envisagent aujourd’hui de poursuivre l’État pour faute lourde.
Ils avaient 4, 6 ou 10 ans. Ils ont grandi au sein de la communauté bouddhiste Ogyen Kunzang Chöling (OKC), fondée par Robert Spatz, alias lama Kunzang, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Derrière l’image bucolique du « Château de soleils », ces enfants ont vécu l’enfer : coups, privations, humiliations publiques, et pour plusieurs fillettes, des viols déguisés en « rituels d’éveil ».
Depuis les années 1980, cette organisation est identifiée comme sectaire par les autorités françaises et belges. Les premières plaintes pour maltraitances et violences sexuelles datent de 1997. Pourtant, Robert Spatz, ancien vendeur de télévisions autoproclamé lama, n’a jamais été inquiété sérieusement. Condamné en Belgique en 2020 à une peine de cinq ans avec sursis pour emprise, viols et abus sur mineurs, il coule aujourd’hui une retraite dorée à Malaga, en Espagne, entouré de fidèles.
Les récits glaçants d’anciens enfants, comme Catarina de Lencastre ou Raul Cerqueira, lèvent le voile sur des décennies de dérives : enfants séparés de leurs parents, éducation par des disciples zélés, punitions barbares, viols nocturnes commis par des proches du maître. Tous décrivent un climat de peur absolue, renforcé par l’inaction des institutions.
Des documents inédits que Le Monde a pu consulter montrent que l’Éducation nationale, la justice et l’Aide sociale à l’enfance ont visité les lieux à plusieurs reprises entre les années 1980 et 2000. Aucun signalement sérieux n’a été fait, certains rapports allant jusqu’à louer les « conditions d’enseignement privilégiées » des enfants, malgré les signes d’endoctrinement et d’isolement extrême.
En 2015, les témoignages s’organisent : une vingtaine de victimes se constituent parties civiles en Belgique. Mais la justice traîne, accumule les erreurs, et la sanction reste symbolique. En France, une nouvelle instruction a été relancée en 2019. Les plaignants, au bord du découragement, réclament désormais que soient ajoutés les chefs d’accusation de « torture », « barbarie » et « traite d’êtres humains ». Face à l’immobilisme des institutions, certains envisagent aujourd’hui d’attaquer l’État français pour « faute lourde ».
(Source : Le Monde, 20.06.2025)
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