Mercredi 30 novembre 2011 s’ouvre le procès de Pierre-Etienne Albert, 60 ans, ancien membre laïc de la Communauté des Béatitudes.[Lire le communiqué de l’UNADFI]]
Il a reconnu des attouchements sexuels sur une cinquantaine d’enfants, âgés de 5 à 14 ans, entre la fin des années 70 et l’année 2000. En raison du délai de prescription, seules trente huit victimes ont été reconnues comme telles par l’institution judiciaire.
Pierre-Etienne Albert se retrouve donc face à neuf de ses victimes, des femmes et des hommes, devant le tribunal correctionnel de Rodez. Il est jugé pour agressions sexuelles aggravées car ses victimes étaient toutes mineures de moins de 15 ans au moment des faits.
Derrière l’examen des faits, le procès qui doit durer deux jours, « va aussi tenter de comprendre les dysfonctionnements apparus dans l’appareil judiciaire » et « mettre en lumière le fonctionnement singulier de la Communauté des Béatitudes ».
Certains de ces dysfonctionnements ont été dénoncés par Solweig Ely dans le livre-témoignage [« Le silence et la honte » qu’elle vient de publier. La jeune femme âgée aujourd’hui de 31 ans, et son avocat Me Mazars, espèrent que ce procès permettra de comprendre pourquoi les faits connus de la Justice dès 2001 n’ont pas été pris en compte.
Ce procès devra également établir comment une chape de plomb a couvert les comportements pédophiles de Pierre-Etienne Albert, dont beaucoup sont prescrits aujourd’hui. Ainsi l’attitude de l’Eglise de France pose question.
Une deuxième instruction judiciaire
Menée par la juge Séverine Contival, l’instruction judiciaire qui a abouti au procès du 30 novembre 2011, est la deuxième concernant les faits d’agressions sexuelles aggravées reprochées à Pierre-Etienne Albert. Au début des années 2000, le prévenu avait été entendu par la gendarmerie d’Avranches (Manche) suite à la plainte déposée contre lui par Solweig Ely. En 2004, la juge d’instruction d’Avranches a considéré qu’une partie des faits dénoncés par la jeune femme ainsi que la quinzaine d’agressions reconnues par Pierre-Etienne Albert, étaient trop anciens pour être poursuivis. De plus, la magistrate avait délivré « une ordonnance d’incompétence territoriale ». Le ministère public était « invité à mieux se pourvoir mais cela n’a jamais été fait ».
Il aura donc fallu attendre le 20 août 2007, date de l’envoi d’un courrier de Murielle Gauthier, ex-membre laïque des Béatitudes qui accompagne Pierre-Etienne Albert dans la « reconnaissance de ses actes », au procureur de la République d’Albi pour que la justice se saisisse à nouveau de ce dossier.
Certaines parties « prenantes » voient dans ce laps de temps entre les deux procédures « une volonté d’étouffer » cet épineux dossier. Ainsi le père Jean-Baptiste Tison, ancien responsable des Béatitudes à l’abbaye de Bonnecombe, et Murielle Gauthier « affirment être en possession d’une lettre d’une avocate normande, nièce de l’évêque du diocèse de Coutances et d’Avranches, assurant, en substance, à Pierre-Etienne Albert que l’affaire avait été réglée… »
Le Collectif CCMM des victimes des dérives du psycho-spirituel a publié un communiqué de presse rappelant que le procès de Rodez « relance les inquiétudes du Centre contre les manipulations mentales autour d’une communauté qui fait énormément de victimes depuis de nombreuses années ».
Le communiqué dresse une liste des dérives et écrit qu’il ne suffit pas d’exclure les anciens dirigeants de la communauté qui se trouvent impliqués […]. L’Eglise doit aujourd’hui admettre publiquement le déni dont elle a fait preuve depuis de nombreuses années ».
_ Source : Communiqué du Collectif CCMM des victimes des dérives du psycbo-spirituel, 30.11.2011
Communiqué de presse des Béatitudes
Pour répondre aux deux reportages télévisés (le premier diffusé sur France 3 le 19 octobre 2011 et le second sur Canal+ le 14 novembre 2011), à l’ouvrage retentissant de Solweig Ely : « Le Silence et la Honte » et en prévision du procès de Rodez, la Communauté des Béatitudes a publié un long communiqué le 15 novembre 2011. Il rappelle que la Communauté s’est engagée dans un « processus d’assainissement et de restructuration ». Sans remettre en cause « la valeur d’ensemble de sa mission », elle reconnaît que des dérives « ont gravement affecté sa croissance » : des pratiques psycho-spirituelles mal équilibrées, des problèmes de gouvernance, de graves délits commis par certains de ses membres…
Concernant Pierre-Etienne Albert, la Communauté reconnaît « que des actes très graves ont été commis par lesquels de jeunes enfants et adolescents ont été irrémédiablement blessés au plus profond de leur personne. Elle tient à exprimer aux victimes et à leur famille sa douleur, son regret, sa honte devant de tels abus commis par celui qui était alors l’un des siens ». Elle indique que les anciens dirigeants sont appelés à comparaître comme témoins lors de l’audience du 30 novembre 2011 à Rodez.
Le communiqué revient ensuite sur le fondateur de la Communauté des Béatitudes : Gérard Croissant rebaptisé Ephraïm. Ce dernier a reconnu de graves manquements à son devoir, en particulier avec des sœurs de la Communauté. « Un cas concerne même une jeune fille mineure ». « Son prestige de fondateur charismatique, joint à la séduction de sa parole, a conduit la plupart de ces victimes à se laisser abuser par un discours prétendument mystique ». Ephraïm a été poussé à quitter la Communauté en 2008 mais il continue « à donner des sessions [au Centre Kinor de Labrit dans les Landes] sans aucun mandat ecclésial ». La Communauté émet « les plus extrêmes réserves » sur le contenu de ces sessions.
Le communiqué mentionne également Philippe Madre, beau-frère d’Ephraïm, qui lui succéda à la tête de la Communauté comme premier modérateur général. Suite à plusieurs plaintes, il avait été renvoyé de l’état clérical en 2010. Le communiqué rappelle qu’une plainte a également été déposée contre lui au civil.
Sources : LaDepeche.fr, Philippe Rioux, 28.11.2011 & Communiqué de la Communauté des Béatitudes du 15 novembre 2011