Morte par conviction ?

Le 12 octobre 2016, Eloïse Dupuis, âgée de 27 ans, est morte six jours après son accouchement à l’hôpital de Lévis, près de la ville de Québec. Elle était membre des Témoins de Jéhovah.

Les circonstances de son décès n’étant pas claires, un coroner enquête sur les causes et les circonstances de la mort de la jeune femme. Entre autres questions auxquelles il devra répondre : A-t-elle signé elle-même son refus de transfusion sanguine ? A-t-elle été suffisamment informée, par les médecins, des risques qu’elle encourait ? Était-elle assez lucide pour le signer ou a-t-elle subi des pressions de la part des Témoins de Jéhovah ? Est-ce l’absence de transfusion qui l’a tellement affaiblie qu’elle n’a pu lutter contre l’infection pulmonaire qui l’a finalement emportée ?
 

Tout a commencé le 6 octobre, à la maison de naissance des Mimosas, où elle avait choisi d’accoucher. Suite à des complications médicales, elle a dû être transférée d’urgence à l’hôpital de Levis, où elle a subi une césarienne, puis une ablation de l’utérus. C’est à ce moment-là que, ayant perdu beaucoup de sang, elle aurait refusé d’être transfusée, préférant opter pour un traitement médicamenteux. Selon les membres de sa famille Témoins de Jéhovah, bien qu’intubée et ne pouvant parler, elle aurait signé elle-même, et en connaissance de cause, un refus de transfusion.
 

D’autres membres de sa famille et des amies, non Témoins de Jéhovah, contredisent cette version. S’étant rendus à l’hôpital pour voir Eloïse, ils se sont vu refuser l’accès de sa chambre par les Témoins de Jéhovah de sa famille, soutenus par trois anciens, qui craignaient qu’on ne la fasse changer d’avis.
Mais d’après ces amis, elle était tellement désireuse d’avoir un enfant, qu’elle n’aurait pu choisir de mourir. Une de ses amies affirme même que son mari aurait signé le refus de transfusion à sa place. Suite au décès de la jeune femme, son mari aurait confié à une autre de ses amies qu’il regrettait d’avoir choisi une maison de naissance et qu’il s’interrogeait sur le bienfondé d’avoir refusé la transfusion. La tante de la jeune femme a décidé de porter plainte pour négligence criminelle.
 

Les circonstances du décès d’Eloïse Dupuis ont suscité une vive émotion et une forte polémique au Québec. Le premier Ministre, Philippe Couillard, bien qu’atterré par le décès de la jeune femme, réaffirme que la loi autorise toute personne âgée de plus de quatorze ans à choisir ou refuser un traitement médical et que ce choix doit être respecté quelle qu’en soit l’issue.
 

Le ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette, assure que les médecins qui ont traité Éloïse Dupuis ont vérifié son consentement pendant et après son accouchement.

Le refus de traitement, pour être valide, doit toutefois être libre et éclairé ; le consentement doit être exprimé sans pression ou menace de sanction. Celui d’Éloïse Dupuis l’a-t-il été ? C’est la question à laquelle l’enquête du coroner, mais aussi celle des policiers de Lévis, permettront de répondre.
 

Pour sa part, Guy Bertrand, avocat constitutionnaliste, blâme l’hôpital qui n’a pas eu le courage de demander une injonction à la Cour supérieure pour imposer la transfusion et sauver la vie de la jeune femme malgré ses convictions.
La Coalition avenir Québec (CAQ) propose, quant à elle, que les cas de refus de traitements médicaux pour motifs religieux soient évalués par un juge afin de s’assurer que le consentement de la personne est libre et éclairé.

(Sources : Montréal Gazette, 19.10.2016, Le Soleil, 15.10.2016, Le Journal du Québec, 16.10.2016, Le Journal du Québec, 18.10.2016, Ici Radio Canada, 19.10.2016)