Les victimes de la Colonia Dignidad réclament réparation

Winfried Hempel est une victime de la Colonia Dignidad, secte chilienne fondée par un ancien nazi, qui derrière un aspect de village familial idyllique cachait un lieu de torture et d’abus sexuels. Devenu avocat, Winfried Hempel est chargé par 120 autres victimes d’une plainte collective réclamant des indemnités à l’État chilien pour avoir permis l’existence « d’une des sectes les plus dangereuses de l’histoire de l’humanité » et à l’État allemand pour ne pas avoir porté secours à ses ressortissants.

La Colonia Dignidad s’étendait sur 13 000 hectares. Elle se présentait comme un programme social. Les hommes se consacraient à l’agriculture, les
femmes aux tâches domestiques. Les enfants apprenaient à chanter et à danser.
Né dans cette enclave, Winfried Hempel se souvient des mauvais traitements qu’il y a subis, « au nom d’un christianisme stupide et fanatique ».
Son fondateur, Paul Schaefer, toujours vêtu de noir et d’aspect étrange, régnait sur la communauté allemande avec brutalité. Il endoctrinait les
membres et les soumettaient à une vie d’esclavage. Les enfants séparés à la naissance par âge et par sexe étaient quasiment retirés à leurs parents.
Jusqu’à l’âge de 10 ans, Winfried Hempel ne connaissait ni ses parents ni son identité complète. Ce « laboratoire » ne permettait pas à ces enfants de prendre conscience d’eux-mêmes.
 

Paul Schaefer a été arrêté en 2005 en Argentine. Condamné à 20 ans de détention, il est décédé en prison en 2010 à l’âge de 88 ans. L’enclave allemande a été rebaptisée Villa Baviera. Les anciens membres sont divisés. Tandis que les uns, majoritairement âgés, défendent fièrement leur culture bavaroise et veulent y développer le tourisme, d’autres voudraient qu’elle devienne un mémorial. Pour Gabriel Rodriguez, détenu à Colonia Dignidad, « faire du tourisme dans un endroit dont la mémoire est remplie de mort, de tortures, d’esclavage et de mutilations, ça semble une aberration, une offense à la mémoire de ceux qui ont souffert ici et qui y sont morts ».
(Source : Libération, 28.01.2016)