Les Témoins de Jéhovah acquittés de leur condamnation pour discrimination

La Cour d’appel de Gand (Belgique) a acquitté, au début du mois de juin 2022, l’ASBL Témoins de Jéhovah dans une affaire où l’organisation avait été reconnue coupable, en mars 2021 « d’incitation à la discrimination et à la haine ou à la violence à l’encontre d’anciens membres. »

L’affaire avait débuté en 2015, après qu’un ancien membre de l’organisation s’était adressé au parquet de Gand afin de dénoncer l’isolement social qui serait ordonné par le groupe à l’encontre des fidèles qui le quittent ou en sont évincés.

Le parquet avait assigné l’ASBL Témoins de Jéhovah pour « incitation à la discrimination sur la base des convictions religieuses contre une personne, et contre un groupe, et incitation à la haine ou à la violence contre une personne, et contre un groupe ».

Le tribunal correctionnel de Gand avait suivi le parquet en condamnant les Témoins de Jéhovah à 96 000 euros d’amende en mars 2021. La Cour d’appel a estimé, quant à elle, que l’affaire ne reposait que « sur les déclarations d’anciens membres » et fait référence dans son arrêt à la liberté de culte garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les parties civiles qui s’étaient jointes au dossier ne seront pas indemnisées. Certaines d’entre elles envisagent de se pourvoir en cassation. 

(Source : VRT.be, 07.06.2022)

Commentaire de l’Unadfi
 
La Cour d’appel de Gand en Belgique vient de réformer le 7 juin 2022 une décision de première instance rendue le 16 mars 2021. Les juges d’appel ont considéré que les anciens Témoins de Jéhovah exclus, demandeurs, manquaient de preuve suffisante pour qualifier de discriminatoire la pratique d’exclusion à laquelle ils avaient été soumis. S’aveuglant sur la triste réalité, les juges ont ainsi réduit les conséquences de la politique appliquée et revendiquée par l’organisation à un simple effet dissuasif.
Mais les nombreux témoignages reçus depuis des années par nos associations de défense de victimes de sectes démontrent ne varietur que ces anciens adeptes frappés d’une sorte d’indignité spirituelle souffrent d’une atteinte inacceptable à l’identité de la personne, atteinte psychologique, morale, sociale et tout particulièrement familiale résultant de la politique de « shunning » pratiquée par l’organisation.
Se considérant comme au-dessus de la société « profane » qu’elle qualifie péjorativement de « monde » dont elle fait peu de cas du fonctionnement démocratique en ce qu’il repose sur la liberté et l’autonomie individuelles [1], l’organisation des Témoins de Jéhovah en bannissant l’ancien adepte ne respecte pas la liberté de conscience de cette personne, pas plus que la liberté de conscience de ses propres membres auxquels elle refuse la possibilité de fréquenter leurs anciens coreligionnaires exclus.
En effet plus qu’une exclusion il s’agit d’un bannissement ayant pour but de rejeter dans le « monde » dirigé par Satan celui qui n’a pas obéi à la loi édictée par l’organisation, bannissement d’autant plus douloureux que, à la différence d’autres groupes, une grande partie de la famille biologique est la plupart du temps elle-même adepte et sera confrontée à l’interdiction de maintenir des liens avec le banni.
Rappelons que pour ce mouvement il s’agit tout simplement de bannir celui qui ne se soumet pas, comme on peut le lire sur son site (c’est nous qui soulignons) :  
Excommunication ou exclusion judiciaire privant des transgresseurs de l’appartenance à une communauté ou à une organisation et de la fréquentation de ses membres. C’est un principe et un droit inhérents aux sociétés religieuses. Ils sont comparables aux pouvoirs qu’exercent les organismes politiques et municipaux de condamner à la peine capitale, de bannir et d’exclure d’une collectivité. Dans la congrégation de Dieu, cette mesure est destinée à préserver la pureté doctrinale et morale de l’organisation. L’exercice de ce droit est nécessaire à la préservation de l’existence de l’organisation et particulièrement de la congrégation chrétienne. La congrégation doit rester pure et garder la faveur de Dieu pour être utilisée par lui et le représenter, sans quoi Dieu rejetterait ou retrancherait la congrégation tout entière. https://www.jw.org/fr/rechercher/?q=exclusion+
Il ne s’agit donc pas d’une règle comparable à la simple exclusion d’un groupe associatif ordinaire mais bel et bien de l’application d’une loi manichéenne qui se veut supérieure à celle du « monde » et qui broie celui qui essaye de reprendre sa liberté.[2]


[1] Il n’est pas inutile de rappeler ici que le Tribunal de Hambourg par jugement du 27 novembre 2020 (n° du dossier 324 0 434/18) qui a aujourd’hui force de chose jugée a débouté les Témoins de Jéhovah allemands qui voulaient faire juger comme diffamatoire qu’un orateur intervenant lors d’un colloque FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) ait dit que « L’organisation des Témoins de Jéhovah se caractérise par une hostilité agressive envers la société et l’État. »
 
[2] Sur ce point du non-respect des droits de l’homme par les Témoins de Jéhovah, la motivation du juge de Hambourg mérite d’être rapportée in extenso : « selon l’argumentation incontestée de la défenderesse (la FECRIS), il ressort des écrits de l’organisation requérante (Témoins de Jéhovah allemands) que les « non-témoins » relèvent du monde du mal, qu’ils sont l’œuvre de Satan et condamnés à la destruction. Ainsi les personnes qui n’appartiennent pas à la foi du plaignant sont classées comme fondamentalement « mauvaises » et dégradées. »
 
  • Auteur : Unadfi