Les craintes concernant les enfants des « Enfants de dieu », formulées dans un précédent article, Les Enfants de Dieu n’ont rien perdu de leur nocivité, n’étaient pas sans fondement.
De tous côtés, paraissent à leur sujet des articles de presse, témoignages d’ex-adeptes voire même des rapports de police. Au Japon et, pour l’Europe, en Angleterre, en Italie, en Allemagne surtout, des colonies d’enfants se disant à longueur d’années « centre de vacances » ont fini par intriguer le voisinage. Des plaintes ont été portées, entraînant des enquêtes et de pénibles découvertes.
Une ex-adepte, Dalva Lynch, après cinq années passées dans la secte des Enfants de Dieu, dénonce les pratiques courantes qu’elle a subies ou observées et dont elle a mesuré les conséquences. En ce qui concerne les enfants, elle insiste sur deux aspects particulièrement déstructurant.
L’effondrement des relations naturelles parents-enfants
Depuis les derniers changements intervenus à l’intérieur de la secte, il n’y a plus de mariage, plus de « famille ».
Derrière ce terme qui subsiste, se forment des groupes de trois, dix, vingt enfants vivant sous le même toit, sans lien direct avec les adultes qui en ont la charge.
_ Les leaders réunissent ces enfants ou les séparent à leur guise, sans s’inquiéter des nationalités, accentuant à plaisir les ruptures familiales – coupant du pays d’origine.
_ Dans ces conditions, les enfants ne peuvent avoir quelque relation affective que ce soit et « deviennent comme la pierre ».
_ Un père, une mère, des enfants sont simplement un accident :
« Quiconque est dans mon lit, ce soir, est papa ».
Les enfants deviennent terriblement confus : tout sentiment, toute émotion que provoqueraient ces nouvelles dispositions est « diabolique », ecrit Maria (l’épouse de Mo, gourou de la secte) et la preuve d’un « égoïsme qu’il faut détruire ».
Les traumatismes causés par des relations sexuelles entre adultes et enfants
Les dernières lettres de Maria limiteraient la pratique du Flirty-Fishing (prostitution) par crainte du Sida et interdiraient les relations des adultes avec les jeunes de moins de 18 ans… sauf autorisation du berger !
Mais les jeunes qui ont actuellement dix ou douze ans ont été fortement marqués par les mœurs corrompues jusque-là en vigueur.
_ Parmi les « lettres de Mo », un des textes les plus révoltants est une bande dessinée « My little Fish » qui montre et démontre le « plaisir » que prend une maman avec son tout petit garçon (Doc. 56, août 1979).
Moïse David lui-même conseillait et pratiquait l’inceste qu’il imposa à ses filles sous peine de rejet et de malédiction.
Que dire de la stupeur d’une grand-mère quand sa petite-fille, alors âgée de quatre ans, à l’occasion d’un bref séjour chez elle, lui propose « de faire l’amour » en s’allongeant sur le divan ?
On enseigne aux filles depuis qu’elles sont petites à se soumettre à quiconque s’impose à elles sexuellement. Dès trois ans, elles font du strip-tease, dansent nues pour les hommes, recevant applaudissements, caresses et baisers…
Le but avoué de Mo n’était-il pas de faire de ces petites filles nées dans la secte « de parfaites petites putains de Dieu », à l’instar des parents dont les ébats amoureux se multipliaient devant elles, des heures durant.
« Les enfants sont un type d’appâts bien définis, destinés à attraper un certain type de poisson ».
_ Le seul moyen de se libérer du démon… est de se libérer de ses mensonges et de sa propagande anti-sexe. Il n’y a rien de mauvais quant au sexe quand il est pratiqué avec amour, de quelque manière que ce soit. Pas question de qui, de quel âge, de quelle parenté, ou de quelle façon » (lettre de Mo : « le démon hait le sexe »).
_ « Mais nous devons être attentifs pour que les jeunes adolescentes ne commencent pas à avoir des bébés si jeunes que cela puisse choquer les médecins et les autorités » (Extrait de « Teen Sex »).
Crainte justifiée : on connaît en effet le cas d’Angela, une fillette de douze ans, admise dans un hôpital de Fribourg pour un cas de grave maladie vénérienne et qui, de plus, « est totalement désorientée, incapable de suivre les cours adaptés à son âge, sachant à peine lire et écrire ». Tout entière tournée vers la secte dont elle était « en manque » (Témoignage d’une femme qui héberge Angela à la sortie de l’hôpital, 1990). Car les enfants vivent dans un monde clos « systématiquement programmé de telle sorte que toute adaptation au monde extérieur devient impossible ».
Un endoctrinement perpétuel
Ne fréquentant pas les écoles publiques, les enfants sont soumis à un endoctrinement perpétuel, à une discipline stricte. « Une fois par jour, racontent les voisins du centre ELGG en Allemagne, au début du crépuscule, on les voit apparaître au dehors, marchant deux par deux, par rang d’âge, accompagnés par des adultes. Aucun ne saute hors du rang, pas un ne crie, ne parle fort ».
« Nous ne sommes pas sensés parler avec d’autres gens (ceux qu’ils nomment les systémites) si ce n’est pas nécessaire… si quelqu’un nous parle, nous devons répondre ‘Je ne sais pas’. » (Eva, 9 ans).
Qui oserait enfreindre la consigne s’il a expérimenté la « fessée » à la manière de Mo ?
« J’employais habituellement la tapette à mouches. C’est une arme excellente et très bien en mains. Seulement, j’employais habituellement le manche qui fait trique. Quelquefois, elle laisse de petites plaies rouges et de des bandes blanches ; mais par cela même ils sont guéris »… (Extrait de « Lasches of love »).
En compensation de l’enseignement classique, que reçoivent les enfants ? Il suffit de lire le « Journal de la fin des temps » – une bande dessinée de janvier 1990 – pour découvrir le monde mythique dans lequel ils sont enfermés, saturés d’images et de textes apocalyptiques annonçant de façon la plus imagée la fin du monde prochaine (calculée à un jour près), des cataclysmes terrifiants auxquels seuls échapperont les Enfants de Dieu. Eux verront s’établir sur la terre un nouveau paradis dont ils seront les maîtres.
_ Vidéos et cassettes développent ces thèmes à l’envi et bercent encore les enfants munis d’écouteurs au moment du sommeil.
_ Pour les aînés, cet endoctrinement est remplacé, deux ou trois fois par semaine, par un « temps de partage » : les enfants de 6 à 16 ans sont réunis dans un lit, deux par deux, pour « jouer ensemble, après la prière… ».
Une nouvelle création des Enfants de Dieu accentue encore ce climat étrange : les Heaven’s Girls et les Heaven’s Boys. Leur livre de chevet – dont la lecture est obligatoire – est le Basic training book et leur film préféré Firestater, par lesquels on les persuade qu’ils pourront acquérir des pouvoirs supra-normaux leur permettant de maudire, donc de détruire à volonté tout ce qui est leur serait contraire. « Ca marche », affirment-ils, puisque Mo en a fait l’expérience.
_ Comment dès lors s’étonner des blocages mentaux observés chez les quelques enfants qui, soustraits à la secte, ont été examinés dans des centres médicaux ?
Comment faire obstacle à de telles situations ?
Comment peut-on supporter que de telles situations se maintiennent sans contrôle ni sanction ? En Allemagne comme en Suisse où la scolarité est obligatoire, il semble que les Enfants de Dieu sachent parer à toutes les recherches. Centres de vacances non soumis au contrôle local, déplacements incessants, éducation familiale donnée par précepteur, changement de nom des adeptes… sont autant de paravents qui rendent inopérante, dit-on, l’action de la justice.
_ Seule, l’Espagne a réussi une intervention efficace, dans la tranquille localité d’Airesol, près de Barcelone, conduisant à l’arrestation des huit membres dirigeants du Centre et à la sauvegarde des 22 enfants confiés désormais à la sauvegarde des mineurs.
_ Parmi eux, peu d’Espagnols, mais des Japonais, des Coréens, des Américains (Des avis sont lancés aux différentes ambassades pour savoir si certains de ces enfants font l’objet de recherche par les parents).
L' »Action Missionnaire Internationale » ou les « Services Missionnaires Internationaux » sont des nouvelles façades des Enfants de Dieu en France. Bien que des responsables s’en défendent, l’attitude des enfants rencontrés, leur vocabulaire, mieux, leur réticence, le graphisme des bandes dessinées qu’ils proposent ne laissent aucun doute sur l’origine d’un centre établi en Provence.
_ En Loire-Atlantique, près de Saint-Herblain, vit un regroupement de « Missionnaires » venus du Tiers-Monde. D’après leurs dires, la colonie compte 15 adultes et 45 enfants, repliés momentanément en France.
_ Ils font appel à des sociétés industrielles et commerciales pour combler un urgent besoin de secours : vêtements, alimentation, matériel.
_ Dans Paris, sous forme de lettres polycopiées, identiques aux précédentes, les mêmes requêtes émanent de l' »Action Missionaire internationale ». En même temps que posters et cassettes, elles sont distribuées par de jeunes enfants sur les parkings et dans les lieux publics.
A leurs frimousses et au style juvénile de leurs bandes dessinées, qui ne se laisserait prendre ?
Bulles. 4ème trimestre 1991