Courant septembre 2019, un accord hors cadre juridique a été trouvé entre Octav Fercheluc, directeur de l’académie spirituelle de yoga traditionnel Ananda de Montevideo, liée au Mouvement pour l’Intégration Spirituelle dans l’Absolu (MISA)1, et deux experts du réseau Red Iberoamericana de Estudio de las Sectas (RIES). Octav Fercheluc avait intenté une action en justice contre Alvaro Farias et Miguel Pastorino de RIES et contre des médias qui avait révélé les liens entre son organisme et MISA.
En 2015, les deux experts avaient accusé Octav Fercheluc de profiter de cours de yoga en partenariat avec l’université pour attirer des jeunes vers son académie spirituelle. Cela représentait pour les deux spécialistes du phénomène sectaire une violation du principe de laïcité de l’État et une tentative de prosélytisme et d’endoctrinement. Ils avaient reçu des plaintes concernant des jeunes uruguayens qui après avoir participé à des retraites de yoga étaient convaincus de partir en Roumanie afin de rejoindre les rangs de MISA pour diverses activités illicites incluant notamment l’exploitation sexuelle.
Jugeant ces révélations semblables à une campagne de dénigrement médiatique, Octav Fercheluc avait intenté une action en justice et demandé des dommages et intérêts. C’est pourtant le directeur de l’académie de yoga qui a décidé un accord amiable entre les partis. Pour les juristes de RIES, l’homme a dû prendre conscience de ses faibles chances de victoire et souhaite donc éviter les conséquences négatives d’un procès perdu. L’accord trouvé n’implique aucune contrepartie financière ni un retrait par les experts et les médias des déclarations de 2015.
Du côté des experts, cet accord apparait comme un soulagement et ils sont heureux de pouvoir continuer à s’exprimer librement sur MISA et sur le phénomène sectaire en Uruguay.
Peu de temps après la conclusion de cet accord, le témoignage d’une ex-adepte de l’académie de yoga d’Octav Fercheluc a été publié dans la presse. En Uruguay, ce mouvement est communément appelé « porno yoga ».
En 2013, à l’âge de 18 ans, la jeune femme s’inscrit à des cours de yoga donné par Octav Fercheluc au siège de l’Institut National de la Jeunesse. Cet institut est sous tutelle du ministère uruguayen du Développement social. Alors qu’en 2015 éclate le scandale des liens entre Fercheluc et MISA, la jeune est peu affectée et suit le gourou qui lui propose des cours de méditation, de tantra et shakti dans son école privée. Le shakti serait lié à l’énergie féminine et la stimulation du système nerveux afin d’activer tous ses sens. La jeune fille assiste à de plus en plus de cours, de retraites, et participe à l’organisation de séminaires. Elle reconnaît que même si certains faits l’interpellent (comme le fait de travailler sa féminité avec les écrits d’un homme), elle est convaincue que Bivolaru est la personne la plus saine du monde. Sous emprise les arguments rationnels qui naissent en elle ne sont pas assez puissants pour qu’elle retrouve la raison et quitte le groupe.
Afin de savoir si elle est prête pour une initiation en Roumanie, on lui demande des photos en bikini et de faire des tests pour savoir si elle souffre d’une maladie sexuellement transmissible. Elle doit partir en Roumanie dans un camp réservé aux femmes, sans téléphone portable pour joindre sa famille. La témoin se souvient de son anxiété croissante à l’approche du départ bien qu’on lui rappelle qu’elle est privilégiée de partir à cette retraite.
Une semaine avant son départ, Interpol vient l’interpeler chez elle afin de l’interroger sur son voyage, ses relations avec les membres de l’académie et le lien entre Octav Fercheluc et Gregorian Bivolaru. Elle sera par la suite libérée et prend conscience de ces années passées sous emprise.
Le 9 aout 2019, une juge refuse au ministère public la poursuite d’une enquête sur MISA et sa branche uruguayenne prétextant que la seule preuve de lien était le fait qu’Octav Fercheluc ait fait de Bivolaru le guide spirituel de l’académie de yoga.
La jeune témoin se présente maintenant comme une victime et souhaite que la justice rouvre le dossier. Selon elle, l’académie de yoga de Montevideo sert à recruter des adeptes pour les envoyer en Roumanie où ils seront victimes d’abus sexuels, d’exploitation sexuelle et d’enregistrements pornographique sans consentement. Les cours de yoga ne seraient qu’une passerelle pour ces activités illicites.
Dernièrement un député uruguayen a interrogé le gouvernement pour savoir s’il était au courant des liens entre l’académie de yoga et MISA et connaître les sanctions envisagées suite aux dernières dénonciations.
(Sources : RIES, 19.09.2019 & 24.09.2019 & 18.10.2019)
- Pour rappel, Misa a été créé dans les années 1990 par le roumain Gregorian Bivolaru. Ce dernier est recherché par Europol, accusé de neuf chefs d’accusations de sévices sexuels et de traites d’êtres humains.