Jusqu’au début du mois d’août 2016, la ville de Columbia (Tennessee) abritait l’Éden d’Ève, un refuge pour chats. Derrière cette apparence anodine se cachait une secte dont les adeptes vouaient un culte aux chats et surtout à Sheryl Ruthven, la fondatrice du centre. Cet article retrace la lente dérive du groupe jusqu’à sa chute, et l’interdépendance qui peut exister entre les adeptes et leur gourou.

Tout a commencé à Bellingham (Washington), dans l’église pentecôtiste les « Portes des Louanges » où Sheryl Ruthven délivrait les messages de Dieu. Charismatique, elle avait attiré un noyau de fidèles dont certains croyaient que Dieu l’avait investie de dons telle la voyance Au début des années 2000, l’église s’est scindée pour devenir le « Ministère du feu de la Liberté ». Aujourd’hui ex-adeptes, Michel Lamphier et les soeurs Mary et Rachel Gunderson racontent leur expérience dans le groupe.

Les trois femmes adulaient à tel point Sheryl Ruthven qu’elles se sont mises à voir en elle une prophétesse dont dépendait leur salut. « Se trouver en présence de Ruthven était un shoot de spiritualité. Un sourire, un affleurement ou un mot gentil leur donnait le sentiment d’être en contact direct avec Dieu. » dit l’une d’entre elles. En 2005, le groupe change de nom pour devenir « The Oneness foundation » (fondation pour l’unicité). Reniant leurs propres convictions les adeptes ont dû accepter d’abandonner certaines fêtes et ont été forcés d’adhérer à une nouvelle doctrine mêlant différentes traditions spirituelles (bouddhisme, culte égyptien…) et des pratiques New age (utilisation de cristaux, de bols chantant tibétains). C’est à partir de cette époque que Ruthven prétendra être la réincarnation de la « Divine Madeleine » dont la mission sera de créer un nouvel Eden après l’apocalypse. Totalement soumis ses adeptes se courbaient devant elle et, croyant qu’elle était une figure messianique, buvaient un jus de communion dans lequel elle mélangeait quelques gouttes de son sang avec du jus de raisin.
Tyrannique, la gourelle bannissait tous ses opposants. Michèle Lamphier témoigne que son ascendant sur sa famille était si fort, qu’elle avait accepté d’exclure elle-même du groupe sa fille âgée de seulement seize ans.

Bouleversée par la mort de son chat, Ruthven décida que les chats seraient le centre de son culte. À cette fin, elle créa l’Eden d’Eve qui est à la fois un refuge sans cages et un lieu de culte. En réalité, les adeptes devaient élever les chats chez eux et s’occuper davantage d’eux que de leur propre famille, car ils « seraient des créatures divines censées porter les 144 000 âmes mentionnées dans le livre des Révélations ».

Peu à peu des adeptes se sont opposés à Ruthven et ont été bannis ou ont quitté le groupe. En 2013, pour échapper à ses détracteurs, Ruthven a convaincu ses adeptes de déménager dans le Tennessee car la fin approchait. Elle leur enjoint d’acheter des fermes pour se préparer à l’apocalypse. Mais ses détracteurs ont retrouvé la secte et ont engagé une bataille, via des sites web contre l’Eden d’Eve pour dénoncer la supercherie du refuge animalier.
Cette bataille a fini par attirer l’attention des réseaux sociaux lors de la publication du témoignage de Rachel Gunderson en juillet 2016. Une demande d’interview a précipité la fin du groupe début aout.

(Source : Ulyces, septembre 2016)