« Je sais maintenant que j’étais aveugle »

 A.B. a été adepte de la Scientologie durant de nombreuses années. Cet ancien scientologue souhaite aujourd’hui témoigner pour éloigner de cette « secte totalitaire » d’éventuels curieux.


Cet ancien adepte s’est fait aborder selon l’usage de la Scientologie : il a rempli un test de personnalité de 200 questions avant d’être invité à un premier cours, une sorte de confession selon un protocole bien précis.

Son but était de se hisser, niveau après niveau, au sommet de la hiérarchie. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui, au sein de l’organisation, poussent à acheter des cours qui, bon marché au début, atteignent rapidement des tarifs prohibitifs. Les adeptes sont continuellement sollicités, « la pression est énorme ». Cours intensifs, engagement dans l’organisation, travail sept jours sur sept… le piège se referme. En outre, A.B. recevait 8 à 10 courriels chaque jour lui demandant de soutenir financièrement des projets de l’organisation scientologue. A.B. évoque un « glissement dans un monde parallèle qui n’a plus rien à voir avec la réalité ».

La Scientologie fait de ses adeptes des êtres froids, inhibant les émotions assimilées à des pertes de contrôle. 
La controverse n’est pas tolérée : « qui critique a quelque chose à cacher ». À l’instar de son fondateur, la Scientologie ne tolère aucune critique et traque ses détracteurs. Ron Hubbard a créé un bureau pour les affaires spéciales, une sorte de service secret interne. 
Les infractions au règlement et aux procédures scientologues sont passibles de sanctions : réétudier un ou deux textes de Hubbard ou signer une déclaration de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas pour les petites infractions, soumission à une sorte de «détecteur de mensonges », ou l’exclusion pour les « fautes » les plus graves. La sanction ultime est la qualification de personne suppressive ce qui implique « d’être tenue à l’écart par tous les adeptes sans exception. »
Interpelé par l’autoritarisme des méthodes de contrôle, le doute s’est peu à peu installé dans l’esprit d’A.B. 
Mais sortir de la Scientologie n’est pas facile : « Ma sortie s’est passée comme toutes les défections : tous mes amis et connaissances scientologues ont rompu tout contact. C’est triste que personne, pas même au départ, n’ait posé de questions sur mes raisons. Quand on déserte, on devient aussitôt un ennemi. »
Selon A.B., « la Scientologie a un art de manipuler les gens qui tient du génie. Même si beaucoup savent que quelque chose cloche, ils n’arrivent pas à s’en aller, même s’ils le veulent ». 

L’organisation ne laisse plus de place à la famille car même si « l’église ne donne jamais l’ordre de couper les liens, les membres sont amenés à le faire volontairement, en suivant les directives de Ron Hubbard ». Suivre les cours et trouver de quoi les financer devient vite obsédant, il n’y a plus de place pour la vie privée. Sortir de la Scientologie, c’est prendre le risque de l’isolement.

Craignant les représailles, A.B. a voulu rester anonyme : « Je ne suis pas lâche, mais je ne suis pas bête non plus. Car la Scientologie dispose de tous les moyens pour faire de la vie d’un ex-membre un enfer. Avec des représailles, des menaces, des calomnies, on fouillerait dans vos ordures ou on informerait votre employeur. » 

(Source : Gaby Ochsenbein, swissinfo.ch, 30.12.2014)