Une instruction judiciaire est en cours concernant des accusations de maltraitances graves au sein d’une communauté vivant en autarcie à Boissiers, hameau de Malrevers en Haute-Loire, depuis les années 1970. Cette communauté d’environ cent personnes, issue d’une branche dissidente d’un groupe religieux parisien appelé “la Famille”, pratique une religion syncrétique mélangeant des éléments chrétiens et juifs.
Le groupe vit selon des règles strictes : mariages entre cousins, travail obligatoire dans l’entreprise textile communautaire, et jusqu’aux années 2000, séparation systématique des enfants de leurs parents biologiques dès le plus jeune âge. Les enfants étaient élevés collectivement dans des dortoirs, ne voyant leurs parents qu’une demi-heure hebdomadaire. Ils étaient scolarisés sur place jusqu’en primaire, puis dans des établissements privés locaux à partir du collège.
L’affaire a été révélée en octobre 2003 lorsqu’un adolescent de 13 ans est arrivé au collège couvert de contusions. Son placement par les services sociaux a déclenché une première enquête en 2004, au cours de laquelle une quinzaine d’enfants ont été entendus. Leurs témoignages décrivaient diverses formes de punitions corporelles, des enfermements dans des pièces obscures, et des violences physiques régulières.
En 2008, le chef de la communauté a été condamné à un an de prison, dont dix mois avec sursis, pour violences habituelles sur mineur. Une expertise psychologique de 2006 avait qualifié le système de “totalitaire répressif” avec des conséquences graves sur le développement des enfants.
Deux frères, aujourd’hui trentenaires et ayant quitté la communauté, ont déposé plainte en 2021 pour des faits plus graves, notamment des actes de torture, de barbarie et d’agressions sexuelles.
L’instruction actuelle suscite des controverses. Plusieurs anciens enfants encore membres de la communauté ont récemment contesté leurs témoignages initiaux de 2004, affirmant avoir été influencés ou mal compris lors des auditions. La défense y voit la preuve d’une manipulation, tandis que les plaignants évoquent l’emprise persistante exercée par le groupe.
La juge d’instruction a refusé plusieurs demandes d’actes complémentaires, dont un transport sur les lieux et l’audition de certains témoins potentiels. Elle a placé Joël Fert, le leader de la communauté, sous statut de témoin assisté plutôt qu’en examen, et a rendu un avis de fin d’information pouvant déboucher sur un non-lieu. Les plaignants ont saisi la chambre de l’instruction pour contester ces décisions.
Une ancienne membre ayant fui la communauté à 12 ans en 1990 devait témoigner mais est décédée en octobre 2024 avant d’avoir pu être entendue. Elle décrivait un système similaire de violences aussi avec le prédécesseur de l’actuel chef. La communauté a été déboutée de ses plaintes en diffamation contre les médias ayant relaté l’affaire, y compris en cassation en octobre 2025.
(Source : Le Parisien, 09.11.2025)
A lire sur le site de l’Unadfi : Un podcast sur La Famille : https://www.unadfi.org/actualites/groupes-et-mouvances/un-podcast-sur-la-famille/
