Des voix s’élèvent contre le noyautage de l’économie du pays par une secte étrangère

Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent contre la présence grandissante de la secte Grace Road Church dans le secteur tertiaire du pays. Plus récemment, le mécontentement s’est intensifié, en partie après que deux organisations de journalistes, l’OCCRP1 et le KCIJ2 ont publié fin juillet un article d’investigation exposant les raisons qui ont permis l’expansion rapide des sociétés dirigées par l’église sud-coréenne Grace Road Church.

L’article est accompagné d’une carte de l’île de Viti Levu (la plus grande des îles Fidji) qui illustre la vaste et rapide implantation des sociétés dirigées par Grace Road, implantation qui s’est poursuivie même après l’arrestation de la gourelle en 2018, puisqu’on passe de 19 entreprises avant 2018, à 35 aujourd’hui. Des chiffres qui ne peuvent qu’évoquer un certain appui de la part du parti au pouvoir, Fiji First (Fiji D’abord). Cela fait des années que la population est au courant d’une collusion entre le gouvernement et Grace Road, mais l’article d’investigation a permis de préciser l’ampleur de cette entente et de ses conséquences.  Il a ainsi révélé que Grace Road a reçu environ 8,5 millions de dollars Fidjien depuis 2015 sous forme de prêt de la Banque de Développement Fidjienne. Cette banque avait été créée pour soutenir le développement de l’économie du pays en fournissant des financements aux petites et moyennes entreprises agricoles locales. Grace Road en avait obtenu des financements un an seulement après s’être déclarée comme investisseur étranger, en 2014. Selon l’OCCRP-KCIJ, cet argent a permis à la secte de devenir une entité économique majeure des îles Fidji : « la secte exploite dorénavant la chaîne de restaurants la plus importante du pays, possède environ 400 hectares de terres agricoles, huit supermarchés et supérettes, et dirige cinq stations-services. Elle a étendu ses affaires à d’autres services comme les soins dentaires, l’événementiel, la construction lourde et les produits de beauté de marque coréenne. » L’église a recours au travail forcé de ses membres pour faire fonctionner toutes ses entreprises.

L’article d’investigation révèle également les raisons pour lesquelles l’enquête de la police est restée inaboutie : les leaders de la secte avaient été relâchés peu de temps après leur arrestation car un tribunal local avait temporairement bloqué leur déportation ». La police Sud-Coréenne a confirmé que « la police Fidjienne avait relâché les membres de Grace Road après une réunion de haut niveau qui comprenait l’ancien chef de l’immigration Fidjien, le secrétaire privé du premier ministre, le solliciteur général, et le haut procureur ».3

Le groupe de journalistes a tenté de contacter l’Ambassade Sud-Coréenne de Suva qui n’a pas souhaité s’entretenir sur le sujet.  Du côté du gouvernement fidjien, le procureur général et ministre de l’économie Aiyaz Sayed-Kahiyum a déclaré que cette enquête avait été menée « par une organisation dont nous n’avons jamais entendu parler ».

Des élections générales approchent, et les différents leaders politiques exigent que Bainimarama (premier ministre des Fidji) et Sayed-Kahiyum reconnaissent avoir passé des accords avec la secte Coréenne. Gavoka, le leader du parti The Social Democratic Liberal Party (SODELPA), a déclaré : “il subsistait des inquiétudes jamais formulées oralement parmi les nôtres quant au développement croissant des sociétés de Grace Road à Fidji […] nous ne pouvons tolérer de tels cas d’allégations d’actes criminels et de violations graves des droits de l’homme et des droits du travailleur sur notre terre. » 

(Source :  rnz.co.nz, 29.07.2022)

1. Organized Crime and Corruption Reporting Project

2. Korean Centre for Investigative Journalists

3. La leader du groupe, Ok-joo Shin, est incarcérée depuis 2019 pour violences, maltraitances infantiles et détention d’adeptes. Les autres leaders sont toujours sous mandat d’arrêt international.

  • Auteur : Unadfi