
Derrière le pittoresque village artisanal et les effluves de fromage affiné de la célèbre Cheese Cave de Waco, au Texas, se cache une réalité bien plus sombre. A la Homestead Heritage, communauté religieuse autoproclamée, contrôle psychologique, exploitation économique et violences sont monnaie courante.
À première vue, Homestead Heritage ressemble à un décor de série télé. Balades en charrette, savons artisanaux, sous-verres tissés… L’image est lisse et se veut « rassurante ». Pourtant, cette vitrine cache une communauté fermée, fondée en 1973 par Blair Adams, et aujourd’hui dirigée par son fils, Asi. Le groupe rejette tout lien avec le christianisme institutionnel et contrôle strictement la vie de ses membres, qui seraient environ un millier selon leur site web, dont un quart vit sur la propriété de Brazos de Dios, près de Waco.
La femme n’a pas son mot à dire
Morning Alexander, née dans la communauté, a mis 26 ans à fuir. On lui avait toujours dit que « quitter Homestead, c’était s’exposer à l’enfer ». Lorsqu’elle est finalement partie avec son mari et ses deux enfants, elle a perdu maison, travail et famille. Comme elle, plusieurs ex-membres décrivent un système d’exploitation économique : travail dès l’enfance, souvent non rémunéré, dans des ateliers d’artisanat. L’éducation, centrée sur l’instruction à domicile, écarte les sciences et l’histoire universelle, privilégiant les récits religieux et les mythes de persécution. Le salut des membres dépend entièrement des enseignements de Blair Adams. Le quotidien au sein de Homestead repose sur une stricte division des rôles. Les femmes doivent rester soumises à leur mari, élever les enfants et éviter toute tenue jugée indécente, y compris pour faire du sport. Le mariage est orchestré par l’église : les hommes « prient pour recevoir une épouse », choisie par les responsables. Le consentement féminin n’a pas droit de cité. Les célibataires sont stigmatisés et les relations sociales restent sous surveillance. Deux fois par an, les membres doivent signer un registre de « Confessions » pour réaffirmer leur appartenance à l’Église. Refuser, c’est risquer l’excommunication immédiate… Et la perte de tout.
Pour certains, c’est la parentalité qui a servi de déclic. « Je ne pouvais pas apprendre à mon fils à survivre dans cet environnement », confie Yeshiah, qui a quitté Homestead avec sa femme dix jours avant le premier anniversaire de leur enfant. D’autres, comme Joseph, ont trouvé la lucidité en étudiant les mécanismes d’autres communautés, comme la Scientologie. Mais la fuite n’efface pas les blessures. Les anciens membres racontent une lente réadaptation à la société : apprendre à porter des jeans, à commander un café, à inscrire ses enfants à l’école publique. La reconstruction passe aussi par le deuil d’une vie jamais choisie.
Homestead Heritage a refusé de répondre directement aux journalistes qui ont mené l’enquête. Un cabinet d’avocats mandaté par le groupe dénonce de « fausses allégations diffamatoires ». Pourtant, les récits concordent. Et l’expansion internationale de la communauté ne fait qu’ajouter à l’inquiétude. C’est tout un système d’emprise et de silence que d’anciens membres tentent aujourd’hui de briser. Leur message : « ce n’est pas parce qu’ils vendent du fromage bio qu’ils ne font pas de mal ».
(Source : Dallas Observer, 09.04.2025)