La commission royale d’enquête sur les réponses institutionnelles aux sévices sexuels sur enfants, a révélée qu’en Australie, de 1950 à 2014, la Watchtower Bible and Tract Society a cumulé 5000 dossiers détaillant des abus sexuels sur des enfants au sein des Témoins de Jéhovah(1), commis par 1 006 de ses membres. Elle n’a pas signalé un seul de ces cas aux autorités compétentes. Elle a également incité ses membres à se taire. La Commission a également mis en avant les faiblesses des règles « bibliques » appliquées aux Témoins lors de leurs comités judiciaires, comme la règle controversée des « deux témoins ». L’objectif de la Commission est de statuer sur le relatif laxisme des Témoins de Jéhovah envers leurs membres pédophiles et de faire pression sur l’organisation pour qu’ils signalent aux autorités tous les cas connus. Plus de 4000 témoins victimes ont été entendus dans le cadre de cette enquête.
Des affaires étouffées
Il a été démontré que les Témoins de Jéhovah australiens avaient détruit de nombreuses notes faisant état d’abus sexuels sur mineur. L’avocat principal, Angus Stewart, a expliqué que « les accusations visant les 1006 pédophiles présumés de cette communauté, ont été traitées en interne plutôt que d’être rapportées à la police ». Sur les 1006 cas avérés, plus de la moitié des pédophiles ont pu continuer à vivre normalement dans leurs congrégations (certains ont même été promus à de hautes fonctions), 401 ont été excommuniés (78 des excommuniés étaient des récidivistes) et 125 allégations d’agression sexuelle n’ont pas été prises en compte par le comité judiciaire des Témoins de Jéhovah car elles ne répondaient pas à la règle des deux témoins.
Des documents montrent que les Témoins de Jéhovah croient que pour faire cesser la maltraitance d’un enfant, il faut qu’il « embrasse le Royaume de Dieu » et qu’il « aime Dieu de tout son coeur de manière à être sauvés lorsque la fin arrivera ».
La règle des deux témoins
Les victimes se plaignent d’avoir été confrontées à leurs abuseurs puis culpabilisées par le sentiment d’avoir pêché. En effet, la règle des deux témoins consiste à confronter la victime à son bourreau et à présenter deux témoins visuels du viol (ce qui est rarement possible). Cette procédure, éprouvante pour la victime, profite la plupart du temps au bourreau.
La position des femmes
Le rôle des femmes, ou plutôt leur absence, à des postes de responsabilités a également été évoqué. L’organisation patriarcale des Témoins de Jéhovah ne leur laisse pas de place. Ceci a entre autres conséquences qu’une jeune femme victime d’abus sera forcément face à des hommes au moment de la confrontation.
La loi du silence
Max Horley, doyen de la congrégation de Narrogin depuis plus de 30 ans, a confirmé qu’il n’était pas dans la pratique du mouvement de rapporter les allégations de pédophilie à la police. Il a ajouté : « Nous voulions éviter que des dossiers ne tombent dans de mauvaises mains ». Depuis de nombreuses années, les Témoins de Jéhovah sont accusées d’encourager à ne pas dénoncer de tels crimes aux autorités compétentes. Les enquêtes se déroulaient en interne. Un responsable a concédé que les membres de l’église n’avaient pas l’obligation morale de signaler les abus sexuels d’enfants aux autorités laïques. Cette pratique a pour but de protéger le nom de « Jéhovah » et est liée à une méfiance systématique des gens du « monde ».
La diabolisation du « monde »
Selon la Watchtower, « Alors que le contact avec les gens du monde est inévitable – au travail, à l’école, et autres – nous devons être vigilants afin d’éviter d’être aspiré dans l’atmosphère mortifère de ce monde. »
Cette méfiance du monde extérieur empêche les victimes de consulter un psychologue car elles ne peuvent pas recevoir de conseils qui ne seraient pas conformes aux principes de la Watchtower. La Commission royale a également souligné qu’en raison de ce cloisonnement, les Témoins de Jéhovah étaient peu disposés à se fier à des organisations d’aide aux victimes.
Le bannissement des réfractaires
La Commission a également mis en évidence l’enfermement des adeptes au sein de leur organisation. Si une personne à un problème avec la hiérarchie, avec les croyances ou si elle est victime de maltraitance, elle a le choix entre perdre sa famille et ses amis ou rester dans un système qui ne lui convient plus. Les Témoins de Jéhovah sont élevés dans la crainte des autres, du monde extérieur, d’Armaggedon qui mettrait en péril le salut des désobéissants.
Le collège central
La Commission a consacré un temps pour expliquer le rôle et le fonctionnement du Collège central des Témoins de Jéhovah. L’audition de Geoffrey Jackson, membre de ce Collège s’est révélée très instructive. Il ressort de nombreuses publications que ce Collège « croit être le porte parole de Jéhovah sur terre ». Cette considération ainsi que les liens de subordinations
entre le collège et les filiales tendent à prouver la responsabilité du Collège central dans les décisions prises dans les filiales. Elles expliquent également que ses cadres se sentent légitimes pour « rendre justice ».
Les Témoins de Jéhovah ont déclaré au juge McClellan, président de la Commission, qu’ils se conformeraient désormais à une déclaration officielle pour les cas de violence et de crimes sexuels sur enfants. Le juge a rappelé que toute personne mise au courant d’une telle situation a l’obligation de la signaler. Si elle ne le fait pas, elle encourt une sanction pénale.
La commission, ouverte en avril 2013, remettra son rapport final en décembre 2017.
(Sources : Daily Telegraph, 27.07.2015 & Le Parisien & La Liberté.ch, 28.07.2015 & The Guardian, 04.08.2015 & ABC, 10.08.2015)
(1) Le mouvement compte 68 000 membres en Australie.