Bouddhisme occidental : quand la spiritualité dérive…

Anthropologue, enseignante-chercheuse et écrivaine française, Marion Dapsance a mené des recherches approfondies sur le bouddhisme contemporain et ses dérives. Diplômée de l’École Pratique des Hautes Études, son travail se distingue par une approche critique des mouvements spirituels et des nouvelles religiosités. Elle a beaucoup analysé les mécanismes de pouvoir et d’influence au sein de groupes et mis en lumière les contradictions entre les discours et les pratiques réelles. Sa rigueur méthodologique et sa capacité à déconstruire les récits enchantés qui entourent certains mouvements ont assis sa notoriété. Accessibles au grand public, ses écrits solidement ancrés dans la recherche académique sont, sans conteste, des outils précieux pour comprendre les dynamiques sociales et psychologiques à l’œuvre dans la spiritualité contemporaine. Pour ce numéro 163 de BulleS, Marion Dapsance a accepté de répondre aux questions de l’Unadfi et d’apporter ainsi sa pierre à l’édifice des travaux que nous menons depuis 40 ans.

Quels sont les principaux facteurs qui ont contribué à l’essor du bouddhisme en Occident ?

Disons trois grands facteurs. Le premier, c’est la mode du japonisme à la fin du XIXᵉ siècle, un attrait pour l’esthétique des objets, des dessins et des estampes du Japon. Ça se retrouve en musique, notamment avec Debussy, ça se retrouve avec Monet dans l’art pictural… Deuxième critère, c’est l’intérêt de chercheurs européens pour les textes sanskrits, parce que c’est la langue mère du latin et du grec. Il y a eu toute une effervescence autour de la culture des aryens, ce peuple installé en Inde qui a donné naissance à la langue sanskrite. Et cet intérêt pour la civilisation aryenne qu’on a retrouvé après, malheureusement, dans le nazisme, est surtout, motivé par un rejet de l’héritage biblique, de l’héritage sémitique comme on disait alors. Les savants ont voulu essayer de trouver la religion originelle, en quelque sorte, de l’Europe. Et ils se sont intéressés à la langue la plus ancienne. Pas l’hébreu, pas l’araméen, mais le sanskrit, avec l’idée qu’on allait trouver dans les textes en sanskrit la véritable religion des Européens, qui ne serait pas le christianisme, qui ne serait pas le judaïsme, religions toutes deux considérées comme des doctrines primitives, et qui ne soit pas non plus le paganisme gréco-romain. Des chercheurs ont alors découvert cette figure du Bouddha. Il apparaît de différentes manières, comme un philosophe, mais aussi comme un être aux pouvoirs magiques, un être surnaturel. Et tout ce côté-là, magique, surnaturel, a été mis de côté au profit du philosophe, parce qu’on a voulu trouver un philosophe plus ancien que Socrate ou Platon. Et certains linguistes ont choisi ce personnage du Bouddha comme « le » philosophe à la base de la spiritualité et de la pensée européenne… Bien qu’on n’ait aucune preuve historique de l’existence de Siddhartha Gautama, dit le Bouddha, c’est essentiellement une légende.

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  • Auteur : Unadfi
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