Banni de la secte, Gaëtan revient sur son parcours douloureux au sein des Témoins de Jéhovah

Gaëtan, 33 ans, ne s’est jamais senti assez bien pour sa communauté. Isolé, en proie à une sévère dépression, il a été excommunié de la congrégation des Témoins de Jéhovah dont il était membre à l’âge de 24 ans. Pour la Presse.ca, il témoigne de son parcours douloureux et de sa reconstruction.

Toute son enfance, sa vie a tourné autour du culte. Son temps libre se partage entre porte-à-porte, offices, études de la Bible. Le mode de vie imposé par ce culte omniprésent le conduit à un isolement dont il a beaucoup souffert pendant son enfance. Il lui était interdit d’avoir des amis non-Témoins. De toute façon c’était inutile puisqu’ils seraient détruits à l’Armageddon. A l’école, les principes dictés par l’organisation, l’empêchant de participer à nombre d’activités, l’isolaient davantage encore. Il se souvient : « si quelque chose avait rapport avec une célébration, il fallait que j’aille dans des cours spéciaux ».

La rigueur du dogme religieux, sur des questions comme le refus de participer aux célébrations, l’interdiction d’avoir des rapports sexuels en dehors du mariage ou le refus du sang, a mis régulièrement Gaëtan à l’épreuve. Il a même dû apprendre à se méfier des aliments susceptibles de contenir des traces de sang comme le peppéroni.

L’influence du dogme ira jusqu’à s’immiscer dans son intimité et à l’adolescence des pratiques réprouvées par le groupe, comme la masturbation, feront peser sur lui un lourd sentiment de culpabilité jusqu’à lui faire perdre l’estime de lui-même devant son incapacité à surmonter sa « faiblesse ».

À 22 ans, il envisage de se marier avec une jeune fille de sa congrégation. Mais celle-ci le quitte jugeant qu’il n’est « pas assez spirituel ». « Rejeté par ses amis, se sentant dans l’incapacité « d’avoir l’approbation de ses parents », il pense au suicide. En pleine détresse, il va alors chercher du réconfort dans l’alcool. Mais parce qu’il refusa de se repentir de cette faute, il sera excommunié, au lieu d’être aidé. « Je n’en avais rien à foutre, je voulais juste mourir » déclare- t-il au journal.

Chassé de chez les « élus », il se retrouve dans le « monde », faisant désormais parti des « méchants », ainsi que les Témoins de Jéhovah nomment ceux qui ne sont pas membres du groupe. Il adopte une attitude qu’il pense immorale, comme pour se conformer à la vision que les Témoins de Jéhovah ont des gens vivant en dehors du groupe. Alcoolique, à la dérive, il finit à la rue et mettra quatre ans à en sortir.

Incompris, « renié par la communauté et non préparé à la vie à l’extérieur, Gaëtan a du mal à trouver sa place ». Aujourd’hui encore, il déclare avoir des difficultés à nouer des relations, mais après onze ans de thérapie, il commence à voir le bout du tunnel et l’art, avec lequel il a renoué, est un bon support pour sa reconstruction.

Même s’il va mieux, Gaëtan en veut aux Témoins de Jéhovah auxquels il reproche de lui avoir enlevé beaucoup de sa vie et sa famille, dont il doit faire le deuil car il n’a plus aucun contact depuis son excommunication.

(Source : L’Express.ca, 13.11.2020)

  • Auteur : Unadfi