Affaire du Parc d’Accueil : résumé

Le 26 novembre 2012 s’ouvrait, à Lisieux, le procès de Françoise Dercle, gourelle du « Parc d’Accueil », poursuivie pour «abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse d’un tiers » dans le cadre de la loi About-Picard.


Elle était accusée d’avoir, entre 2002 et 2007, placé sous son emprise une vingtaine d’adeptes. Seules une dizaine de victimes se sont portées partie civile. A la demande des victimes, qui voulaient témoigner de « l’enfer d’une prison mentale sur fond de violences morales, physiques et sexuelles », le procès s’est déroulé à huis-clos.

Cinq années d’instruction judiciaire

Françoise Dercle, 56 ans, mère de 3 enfants, était professeure d’anglais à la fondation des Orphelins apprentis d’Auteuil de Lisieux. Réunissant un certain nombre d’hommes et de femmes sous couvert de recherche spirituelle, elle avait fondé une communauté, d’abord sous le nom de « Torrent de Vie », puis de « Parc d’Accueil ». Décrite par ses accusateurs comme séductrice et très sûre d’elle-même, s’étant autoproclamée « épouse de Dieu », « incarnation du Saint-Esprit » ou « déesse de la beauté », se faisant appeler « Reine », elle imposait à ses adeptes des violences physiques et mentales.

Le 27 juin 2007, une trentaine de policiers avaient mis un terme aux activités de Françoise Dercle et de son groupe du Parc d’Accueil, en faisant irruption dans le pavillon de Lisieux (siège de l’association). Cette maison, ainsi qu’une autre propriété de Françoise Dercle à Moyaux (Calvados), ont été réquisitionnées. L’enquête révèlera que ces biens immobiliers appartenaient exclusivement à Françoise Dercle bien que les adeptes aient largement contribué à leurs acquisitions. Leur expliquant que leur « réussite financière était un don de Jésus » et qu’il fallait le lui rendre, elle leur aura extorqué au total près de 400 000 euros…

Ce sont deux plaintes, déposées l’une en 2004 et l’autre en 2006, qui ont conduit les enquêteurs à Françoise Dercle et au Parc d’Accueil. Plusieurs membres du groupe avaient alors été mis en examen mais seule Françoise Dercle et une autre femme, soupçonnée de complicité à l’époque et reconnue victime depuis, avaient été incarcérées.

Un procès qui marquera les esprits

Alors que Françoise Dercle déclare au tribunal « J’ai peut-être commis des erreurs, mais je n’ai pas voulu faire de mal », les victimes rapportent qu’elle se livrait à des séances publiques d’humiliation qu’elle appelait « Cœur à cœur », qu’elle faisait preuve de violence, frappant et crachant sur celles et ceux qui contestaient son autorité, et préconisait la délation.

Les victimes ont également relaté au tribunal que la prévenue organisait des « navigations », séances durant lesquelles elle réunissait les adeptes dans une pièce jonchée de matelas et leur imposait des relations sexuelles sur fond d’incantations. Elle composait les couples, forçait les femmes à s’ébattre entre elles, allait jusqu’à exiger des relations incestueuses.

Le tribunal n’a pas manqué de mettre en avant le fait que Françoise Dercle prenait part aux « mêlées célestes », séances d’étreintes et d’embrassades, mais que ni elle ni son compagnon ne participait aux « navigations ».

Pour se défendre, Françoise Dercle explique à la cour : « Oui j’ai demandé à des mères d’avoir des rapports sexuels avec leurs fils, mais on était dans une vibration, on était dans une autre dimension, la cinquième… ». Cette « autre dimension », Françoise Dercle s’y référera à maintes reprises ainsi qu’au « psitt », onomatopée pour exprimer le passage dans cette « autre dimension ».

Concernant les spoliations, elle expliquera au tribunal : « Oui, tout était à mon nom, j’ai fait ça comme ça, c’était bête et méchant, j’ai jamais voulu voler ».
L’une des victimes a témoigné au micro de RTL : « J’ai tout perdu, elle m’a tout volé. J’ai perdu ma liberté, mon âme. Elle m’a volé ma parole, mes biens matériels, elle m’a volé ma famille puisqu’elle m’a fait couper les liens avec mes amis. Je me suis retrouvée sans plus personne, elle m’a coupée du monde, je n’avais même plus d’informations du monde qui était autour de nous. Moi à l’époque, je ne savais même pas qui était le président de la République. Elle m’a violentée physiquement, elle m’a volé ma dignité, elle m’a tout pris. Je me souviens qu’en sa présence, on devait toujours baisser les yeux. Qu’elle nous humilie ou qu’elle nous élève, il fallait le faire. »

Le tribunal à l’écoute des experts

A la barre, Catherine Picard co-auteure de la loi About-Picard et présidente de l’Union nationale des Associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (l’une des parties civiles) a souligné que « la victime sectaire est une victime particulière car il lui faut un temps souvent long pour réaliser qu’elle est victime ; elle s’est retirée au fil du temps pour ne plus appartenir qu’à une personne et ses diktats, pour ne plus disposer d’aucune autonomie. L’emprise est très « déconstructive ».
De son côté, un expert psychiatre spécialisé a expliqué au tribunal : « La secte est une cage virtuelle, sécurisante, qui vous maintient mais qui vous emprisonne. Dans un premier temps, on ne peut pas convaincre une victime de secte, on ne peut que l’écouter ».

Un réquisitoire mémorable

Les réquisitions du procureur de la République, Bruno Dieudonné, n’ont pas laissé l’assistance indifférente. S’adressant aux victimes et, plus particulièrement, à celles qui avaient été mises en examen, le procureur leur a déclaré : « Vous êtes victimes et rien d’autre. La justice s’est trompée, elle vous doit des excuses sincères ». Avant de lancer à la prévenue : « Vous avez instauré un système totalitaire », « cette affaire, c’est le triomphe de la loi sur l’obscurantisme ». Déplorant sa stratégie de défense à maintes reprises lors du procès, il a finalement ajouté : « votre défense a fait psitt »…
En plus de la peine maximale de cinq ans de prison ferme, il a requis l’interdiction pour Françoise Dercle d’exercer une fonction publique, d’exercer ses droits civils, civiques et familiaux durant cinq années et la confiscation de ses deux immeubles.
Le verdict : quatre ans de prison ferme pour la gourelle du Parc d’Accueil
Le 22 janvier 2013, le tribunal correctionnel de Lisieux (Calvados) a condamné Françoise Dercle à cinq ans de prison dont un an avec sursis, et au versement de plus de 450 000 euros de dédommagement aux victimes qui se sont portées parties civiles.
Une peine exemplaire pour celle qui disait incarner le « Saint-Esprit », celle qui, sous couvert d’œcuménisme et de recherche spirituelle, cachait des pratiques
criminelles : sujétion psychique, viols en réunion, attouchements sexuels sur personnes vulnérables, humiliations psychologiques, violences physiques et spoliation.

Françoise Dercle, pendant ce temps…

A la fin du procès, montrant à l’audience des vidéos laissant à penser que Françoise Dercle avait continué à exercer ses activités au-delà de 2007, les avocats avaient démontré que la prévenue demeurait une femme « dangereuse ».

Selon Me Rouiller, avocat de parties civiles, Françoise Dercle semblait, d’ailleurs, avoir toujours une certaine emprise sur les victimes.

Mardi 29 janvier 2013, on apprenait que Françoise Dercle avait fait appel de la décision du tribunal sur le volet pénal et qu’elle restera libre jusqu’au nouveau procès devant la Cour d’appel de Caen. Les victimes ont reçu cette nouvelle comme un coup de massue. Parmi les avocats des parties civiles, Me Pascal Rouiller ne voit dans cet appel « qu’une stratégie maladroite pour échapper à la sanction » et Me Alain Fouquet espère, pour sa part, que le procès sera public.

(Source : OuestFrance.fr, 26.11.2012 &Tendance Ouest, 28.11.2012 & L’Express, le 28.11.2012 & Paris-Normandie/AFP, le 26.11.2012 & France3 Basse-Normandie, 28.11.2012 & Paris-Match, Kahina Sekkai, 26.11.2012 & RTL, 26.11.2012 & L’Express, 22/01/2013 & Le Parisien, 22/01/2013 & TF1news, 28/11/2012 & Tendanceouest, 22 et 29/01/2013)