Kenzo Nera, docteur en psychologie sociale et chercheur postdoctoral à l’université libre de Bruxelles, avance l’idée qu’il ne faut pas réduire le complotisme à une question d’irrationnalité et qu’il est intéressant de s’intéresser aux causes sociales des mécaniques complotistes. L’adhésion au corpus de croyances complotistes peut aussi être expliquée par des mécaniques d’appartenance et des stratégies de valorisation des groupes sociaux et de leurs individus.
Dans son livre, Complotisme et quête identitaire, il rejette l’idée qu’il y aurait d’un côté les personnes irrationnelles (les complotistes) et en face les personnes rationnelles (non-complotistes) d’autant que cette vision est l’inverse de celle des personnes adhérant aux théories du complot qui croient être dans la rationalité.
Selon lui, l’étude de la psychologie des croyances permet de mettre en évidence que tout raisonnement est bien souvent biaisé et motivé si bien que les individus tendent à développer une image positive d’eux-mêmes ou de leur communauté. Pour lui, les individus n’adhérent pas à une croyance de façon neutre et uniquement sur l’argumentation, une adhésion va aussi être un outil de valorisation. Par exemple, les récits complotistes valorisent les appartenances collectives en apportant des explications aux inégalités, expliquant pourquoi les puissants sont puissants et les pauvres sont pauvres. Ces explications réconfortantes peuvent conduire de nombreuses personnes défavorisées à adhérer à ces théories complotistes. Une autre explication serait celle de communautés qui se cristallisent autour d’idéaux complotistes, les individus ayant l’impression d’appartenir à une catégorie spéciale d’individus, des éveillés face aux forces occultes qui contrôlent tout. Appartenir à une communauté de personnes éclairées les valorise.
Pour Kenzo Nera, les croyances complotistes peuvent servir tous les intérêts possibles : remettre en cause l’ordre établi, lorsqu’elles stipulent que la société est entièrement contrôlée par des puissants, mais aussi justifier des discriminations et renforcer la hiérarchie sociale lorsqu’elles émanent d’un groupe en position de domination.
(Source : 20 minutes, 28.10.2023)