
Exit le gourou barbu en robe blanche. Désormais, la manipulation passe par les chatbots, les vidéos virales et des micro-communautés en ligne. Une emprise technologique froide et redoutablement efficace.
Depuis la pandémie, les signalements de dérives sectaires ont bondi. Selon la Miviludes, les groupes à visée manipulatrice ont saisi l’opportunité d’un monde déstabilisé. Leur nouveau terrain de chasse : les réseaux sociaux, les plateformes de messagerie et les espaces numériques vulnérables.
Les outils sont désormais ceux de la publicité ciblée : algorithmes prédictifs, chatbots spirituels, suggestions de contenu personnalisé. Un cocktail qui permet de repérer, séduire et convertir, à distance, des individus souvent en quête de repères.
Le profil des nouveaux gourous n’a plus rien à voir avec celui des figures charismatiques du passé. Aujourd’hui, le leadership est désincarné, fluide, souvent anonyme. Il peut s’agir d’un influenceur bienveillant sur YouTube, d’un coach de vie sur Instagram, ou même… d’un programme d’intelligence artificielle dopé au « growth hacking ».
Le message, lui, reste classique : promesse de vérité supérieure, de libération, de transformation intérieure. Seule la méthode change. Des bulles numériques fermées (groupes Telegram, forums Discord, salons privés WhatsApp) assurent un encadrement psychologique, une surveillance sociale et un endoctrinement discret mais progressif.
Emprise algorithmique
Certains groupes vont plus loin. À travers des chatbots pseudo-spirituels, ils simulent la sagesse d’un maître éveillé, capable d’écouter et de répondre à toute heure. Ces interfaces se nourrissent de nos réponses pour affiner leur discours : flatteries personnalisées, conseils ésotériques, diagnostics émotionnels… Une véritable stratégie d’emprise algorithmique.
« Ce qui est nouveau, c’est l’automatisation de la manipulation », alerte un expert en cybersécurité cité par la Miviludes. « L’IA ne comprend pas le bien ou le mal. Elle optimise l’engagement. Et dans de mauvaises mains, cela peut devenir une arme mentale ».
Derrière ces promesses spirituelles se cache un business bien rodé. E-books, conférences Zoom, retraites virtuelles, accès VIP… Tout est monétisable. Les adeptes, eux, s’endettent parfois pour accéder à des « initiations » ou des « enseignements secrets ». Le modèle économique s’aligne sur celui des influenceurs mais avec un vernis mystique qui désarme la vigilance.
Face à cette mutation numérique des sectes, les autorités peinent à suivre. Les contenus sont fragmentés, circulent sur des plateformes chiffrées et les responsables sont souvent insaisissables. Pourtant, les dégâts psychologiques et financiers sont bien réels.
La première défense reste l’information. Apprendre à reconnaître les signaux faibles : discours messianiques, promesses exclusives, isolement social, pression financière ou émotionnelle. Et surtout, rester critique, même face à une IA bienveillante qui prétend nous guider. L’ère des sectes 3.0 n’est pas un scénario dystopique mais une réalité bien implantée.
(Source : Moustique, 13.07.2025)
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