
Fondée en 1961 par l’ex-SS Paul Schäfer et ses fidèles allemands, la Colonia Dignidad se voulait être « un paradis communautaire ». Mais dans cette enclave isolée au sud du Chili se dissimulait une toute autre réalité mêlant endoctrinement religieux, abus sexuels, travaux forcés et complicités politiques, sous couvert d’œuvres sociales.
Après la guerre, Paul Schäfer, recherché en Allemagne pour pédophilie, trouve refuge au Chili avec 300 disciples. Il y érige une communauté coupée du monde, où radios, journaux et télévisions sont bannis. Promis à une vie paradisiaque, les colons découvrent vite l’envers du décor : travail acharné, séparation des familles et soumission totale au gourou qui s’autoproclame messager de Dieu.
Très vite, Paul Schäfer s’impose comme un guide tout puissant et fait régner la terreur. Les enfants sont retirés à leurs parents, les hommes et les femmes sont séparés, toute vie privée est interdite. Les abus sexuels se multiplient dans le silence. Pendant quatre décennies, des centaines d’enfants, isolés, sont victimes de viols et de violence.
Parallèlement, la colonie soigne gratuitement les Chiliens grâce à son hôpital, réduisant la mortalité infantile et gagnant ainsi la reconnaissance officielle des autorités. Sous Pinochet, Colonia Dignidad devient intouchable et sert même de relais à la dictature. Les opposants au régime y sont torturés et exécutés.
La première fissure apparaît dans les années 1960, quand Wolfgang Kneese, alors adolescent, réussit à fuir et alerte la presse internationale. Ses révélations dévoilent l’ampleur des abus malgré les tentatives de la secte de le discréditer.
Condamné en 2005 à 20 ans de prison, Paul Schäfer est décédé en 2014. Mais aujourd’hui encore, la Colonia Dignidad reste le symbole glaçant d’un paradis communautaire devenu enfer, où l’idéologie nazie, le fanatisme et la complaisance politique ont permis l’impunité d’un bourreau pendant près de quarante ans. Les rescapés peinent encore à retrouver une vie normale.
(Source : Brut, 16 & 19.09.2025)
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