
La Conférence des évêques de France (CEF) a lancé un appel à la prudence concernant les activités du père James Manjackal, prêtre charismatique d’origine indienne. Une note interne adressée aux diocèses alerte sur plusieurs dérives observées lors de rassemblements. Parmi elles, des pratiques de guérison jugées problématiques et un discours teinté de fondamentalisme.
Membre des Missionnaires de Saint François de Sales, le père James Manjackal, âgé de 79 ans, est une figure bien connue du renouveau charismatique catholique. Il anime depuis des années des retraites et sessions de prière en France, le plus souvent sous l’égide de l’association Fontaine d’eau vive. Pourtant, l’homme ne dispose d’aucun mandat canonique pour exercer dans l’Hexagone. Ce qui, selon la CEF, « nécessite une vigilance accrue de la part des fidèles comme des responsables diocésains ».
La note diffusée par le service Emprise et dérives sectaires de la CEF, en collaboration avec la CORREF et le Service des moniales, dénonce un discours « fondamentaliste » et potentiellement dangereux. Déjà pointé du doigt en 2015, le contenu des prêches du père Manjackal tendrait à présenter une vision rigoriste de la foi où la maladie est parfois interprétée comme une conséquence du péché ou de malédictions familiales.
« On assiste à une confusion entre foi et santé, entre culpabilité spirituelle et souffrance physique », souligne un membre du groupe de travail. Ce type de discours peut s’avérer destructeur pour des personnes en situation de vulnérabilité psychologique ou physique.
L’un des points les plus sensibles concerne les prières de guérison organisées lors de ces sessions. Des malades sont invités à « croire à leur délivrance », parfois en renonçant aux soins médicaux. Certaines prières prétendent libérer des « blocages généalogiques » ou des maladies « spirituelles », sans encadrement médical. Les évêques redoutent les effets de telles pratiques sur des fidèles fragiles qui pourraient s’éloigner de la médecine traditionnelle. Pour eux, « cela met directement en cause la responsabilité pastorale de l’Église ».
Flou financier et appels aux dons massifs
Autre sujet d’inquiétude : les collectes d’argent lors de ces événements. Des appels aux dons, parfois très insistants, ont été observés. Certains atteignent plusieurs centaines de milliers d’euros, officiellement pour subvenir aux soins du père Manjackal, en fauteuil roulant depuis plusieurs années. La note épiscopale met en garde contre « l’absence de transparence financière » et rappelle l’exigence de sobriété évangélique dans les pratiques de charité.
Face à ces dérives, la CEF n’appelle pas à une interdiction pure et simple mais à une « responsabilité partagée ». Les évêques invitent les organisateurs, les diocèses et les fidèles à « exercer leur discernement ».
Contacté, le père Manjackal n’a pas souhaité commenter. De leur côté, les responsables de Fontaine d’eau vive assurent agir « dans la fidélité à l’Église » et dénoncent des critiques « exagérées ».
(Source : La Croix, 10.07.2025)