
Sur TikTok, YouTube ou Instagram, ils cumulent des millions d’abonnés. D’apparence bienveillante, ces influenceurs prêcheurs diffusent un islam rigoriste, souvent salafiste. Derrière des formats calibrés pour séduire les jeunes se cache une lecture inquiétante de la religion, qui relègue les femmes à la sphère domestique, condamne les personnes LGBT et prône une rupture assumée avec les valeurs républicaines.
Parmi les figures les plus suivies : Hamid El Senhaji, qui dénonce le « salariat féminin » et fustige le féminisme, ou encore Redazere, qui assimile l’homosexualité à une « faiblesse » et agite le spectre d’un « endoctrinement LGBT » à l’école. Quant à Hicham R2F, suivi par plus d’un million de personnes, il exhorte les femmes à « rester à leur place » et rejette toute idée d’égalité entre les sexes. Ces discours, bien que choquants, flirtent habilement avec les limites de la légalité.
Sous couvert de transmission religieuse, ces influenceurs édictent des règles strictes sur ce qui est licite ou « haram » : musique, danse, sport féminin, mixité ou célébration d’anniversaires sont rejetés au nom d’une lecture littéraliste de l’islam, souvent plus fondée sur les hadiths que sur le Coran. Les femmes y sont décrites comme faibles, influençables, et systématiquement responsables des dérives sociales. Certains vont jusqu’à affirmer qu’un homme ne doit jamais croiser le regard d’une femme, sauf pour une « transaction commerciale ».
Des institutions dépassées
Le phénomène est loin d’être marginal. Selon la Miviludes, ces contenus peuvent servir de terreau à une « dénégation de la laïcité », au séparatisme, voire à la radicalisation. Une vingtaine d’influenceurs sont ainsi suivis de près par les services de l’État. Si leurs messages restent globalement quiétistes et non violents, ils favorisent un climat de repli communautaire.
Face à cette offensive idéologique, les institutions musulmanes peinent à faire entendre leur voix. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), marginalisé depuis sa mise à l’écart par Emmanuel Macron, tente de maintenir un discours apaisé, sans grand écho. « L’islam qu’ils prêchent n’est pas celui de la paix ni du respect », s’indigne son vice-président Abdallah Zekri. Mais sur les réseaux, ce sont les « ultras » qui captent l’attention.
Ce néo-salafisme, comme le qualifient les chercheurs, séduit en proposant des repères clairs dans un monde jugé confus. Il séduit d’autant plus qu’il emprunte les codes de la pop culture : extraits de Netflix, musique d’ambiance (nachid), plans cinématographiques, références à Dragon Ball Z… Ce mélange d’apparente modernité et de rigorisme attire un public jeune, en quête d’identité et de spiritualité.
Certaines plateformes commencent à modérer ces contenus. TikTok a supprimé quelques vidéos mais la majorité des comptes reste actifs. Pour les experts, le vrai danger réside dans la banalisation de ces messages : « Ils ne prônent pas toujours la violence, mais imposent une vision qui nie la liberté individuelle, notamment des femmes », avertit le politologue Haoues Seniguer.
(Source : BFM, 12.04.2025)