Scientologie : un laboratoire du néolibéralisme

Thierry Lamote est l’auteur d’une thèse «La Scientologie déchiffrée par la psychanalyse». Docteur en psychanalyse et psychopathologie, il apporte un regard nouveau sur la structure scientologue.


Selon lui, elle relève d’un système qui désagrège le lien social et est précurseur du néolibéralisme. Il explique s’être plutôt concentré sur le fondateur, Ron Hubbard. Cette démarche a été facilitée par le fait que ce dernier a laissé nombre d’écrits derrière lui qui s’avèrent être «autant de manifestations cliniques de sa psychose».

Pour Thierry Lamote, Ron Hubbard était donc un psychotique, passant de la catatonie au délire mégalomaniaque. Le système qu’il avait mis en place était «clairement paranoïaque». N’allait-il pas jusqu’à croire qu’il y avait «un vaste complot des psychiatres alliés aux communistes pour contrôler l’humanité» ?

Thierry Lamote raconte qu’en 1938, après une anesthésie, Ron Hubbard présente sa première «bouffée délirante» et que c’est à partir de là qu’il écrit ses premières nouvelles de science-fiction, «bricolant un système pas très systématisé».

Ce n’est qu’en 1943, alors qu’il est lieutenant de marine sur un vaisseau de guerre, «qu’il a une importante crise et qu’il parvient à reprendre et à systématiser le délire laissé en friche en 1938». Il s’agit de «l’invention» de la Dianétique. Son aboutissement se traduira par la publication en 1950 de son premier ouvrage sur la secte.

Il a ensuite «une nouvelle rechute psychotique» qui le conduira à la Scientologie, «véritable délire religieux qu’il mènera à son dernier terme avec l’introduction de la folle histoire de Xenu» du nom d’un dictateur d’une confédération galactique !

En étudiant plus avant le système scientologue, Thierry Lamote s’est rendu compte que l’organisation, les techniques de management, la conception des organisations humaines étaient en avance de 15 ans sur le monde de l’entreprise. Il perçoit ainsi la Scientologie comme une entreprise néolibérale. Comme telle, elle est basée sur une pure logique du fonctionnement, une logique basée sur des directives et des règles de procédure anonymes et… un Ron Hubbard «qui n’a jamais vraiment réussi à prendre sa place dans la hiérarchie». Thierry Lamote complète : «on peut ajouter qu’il s’agit d’une structure totalitaire», au sens d’Hannah Arendt, dans laquelle être chef n’est qu’une fonction, sa personne comptant moins que la puissance de l’organisation elle-même.

En conclusion de son entretien, Thierry Lamote donne des précisions sur «la foi fondamentale» qui structure le mouvement scientologue : la loi de la survie qui repose comme le capitalisme sur l’intérêt égoïste. L’injonction scientologue «Survis !» ne semble donc pas à-même de créer du «lien social». C’est ce qu’entend démontrer Thierry Lamote.

Source : L’Humanité, 22.07.2011