Procès en appel : 1,5 million d’euros d’amende requis


Rappel des faits

L’affaire judiciaire a démarré en décembre 1998 lorsqu’une ancienne adepte de la Scientologie, Mme Malton, dépose plainte avec constitution de partie civile.

Au mois de mai de la même année, elle avait été abordée à la sortie d’une station de métro par des scientologues. En quelques mois, elle avait dépensé 140.000 F (soit 21.300 euros) en ouvrages, cours divers, « packs de purification…

Deux autres plaignants avaient également déposé plainte pour des faits similaires. A noter qu’ils s’étaient ensuite désistés. Mme Malton s’était donc retrouvée seule plaignante.

C’est un procès retentissant qui s’est déroulé du 25 mai au 17 juin 2009.

Le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris reconnaissait la Scientologie coupable « d’escroquerie en bande organisée
».

Rappelons que la dissolution des deux structures de la Scientologie demandée par le Parquet n’avait finalement pas pu être prononcée du fait d’une modification de loi passée inaperçue quelques mois plus tôt.

La Scientologie avait fait appel du jugement du 27 octobre 2009.

A noter que lors du procès en appel, la présidente a examiné les faits tels que les plaignants (tous désistés après des arrangements
financiers avec la Scientologie) les avaient formulés lors de l’instruction.|

Le procès en appel de la Scientologie s’est déroulé du 3 novembre au 24 novembre 2011. Dès l’ouverture des débats, Me Gérard
Ducrey, l’un des avocats d’une prévenue, une ancienne présidente du Celebrity Centre a demandé sans succès à la cour un renvoi de trois à six mois du procès.
_ Soutenu par tous les autres avocats de la défense, Me Ducrey appuyait sa demande sur une circulaire du ministère de la justice adressée en septembre à des magistrats, circulaire qui vise « les pratiques du culte de la Scientologie » constituant par là-même « une immixtion de l’exécutif dans les pouvoirs de l’autorité judiciaire ».
_ Les avocats de la défense ont également plaidé huit « Questions prioritaires de constitutionnalité » (QPC) « susceptibles de provoquer un renvoi si elles étaient jugées sérieuses par la cour et transmises à la cour de cassation », mais elles ont toutes été rejetées.

Les avocats de la défense, déterminés à soulever de nouveaux points de procédure avant que le fond du dossier ne puisse être débattu, s’en sont alors pris vivement à l’UNADFI, la qualifiant de « parasite ».
_ L’association en tant que partie civile avait été déclarée irrecevable lors du jugement en première instance de 2009. Elle avait fait appel. En conséquence, la présidente de la cour d’appel, Claudine Forkel, a décidé de « joindre l’incident au fond », c’est-à-dire de reporter sa décision à l’issue du procès. L’UNADFI a donc pu continuer de porter la contradiction face aux avocats de la Scientologie. Si elle est déclarée irrecevable à l’issue du procès, cela l’empêchera de réclamer des dommages et intérêts.
_ En réaction à la décision de la cour d’appel, les avocats de la Scientologie ont déposé une nouvelle « Question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) mais cette dernière a également été rejetée.

La Scientologie est alors passée à une autre technique, annonçant le 17 novembre 2011 qu’elle quittait le tribunal avec ses avocats, dénonçant un « procès inéquitable ». Le même jour, un communiqué de presse faisait savoir que la Scientologie s’associait à une plainte contre X pour vol, déposée par une ancienne présidente du Celebrity Centre (par ailleurs prévenue au procès) pour une disparition de pièces ayant trait à la constitution de partie civile de l’UNADFI.

Le 22 novembre 2011, la présidente de l’UNADFI, Catherine Picard, a fait entendre son témoignage lors du procès, dénonçant les « méthodes sectaires » de la Scientologie. Elle a également parlé de l’ancienne adepte qui avait porté plainte en 1998 et qui, finalement, a renoncé à se porter partie civile, car, explique-t-elle, « un certain nombre de victimes subissent harcèlement et pressions » pour se désister et se voir proposer une indemnisation qui s’apparente à un « rachat ».

Le 24 novembre 2011, le parquet général a requis une amende totale de 1,5 million d’euros à l’encontre des deux principales structures de la Scientologie française jugées par la cour d’appel de Paris pour « escroquerie en bande organisée ».
_ L’avocat général, Hugues Woirhaye a en effet demandé des amendes respectives qui ne soient « pas inférieures » à 1 million d’euros pour l’Association spirituelle de l’Eglise de scientologie-Celebrity Centre (ASES-CC) et à 500.000 euros pour la librairie Scientologie Espace Liberté (SEL).
_ En première instance le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné ces deux personnes morales respectivement à 400.000 et 200.000 euros.

Au moment de rendre son verdict, l’avocat général avait insisté sur la nécessité d’une « réponse exemplaire par le prononcé de peines suffisamment dissuasives à l’encontre des auteurs de ces agissements ». Il a rappelé que les méthodes de la Scientologie avaient déjà été sanctionnées par d’autres juridictions, à Lyon en 1997 et à Marseille en 1999 et « manifestement, les personnes impliquées dans la présente poursuite n’ont pas tiré les conséquences de ces précédentes condamnations, prononcées en raison de pratiques similaires », a-t-il ajouté.
_ L’avocat général a également requis « au titre de l’exemplarité » un alourdissement des peines prononcées en 2009 à l’encontre de trois scientologues.
_ Il a ainsi demandé pour une ancienne présidente du Celebrity Centre, reconnue coupable d’escroquerie et de pratique illégale de la pharmacie et condamnée en première instance à 10 mois de prison avec sursis et à 5.000 euros d’amende, une peine de deux ans de prison avec sursis et une amende qui ne soit pas « pas inférieure à 20.000 euros ».
_ De même pour l’un des vendeurs de la librairie SEL reconnu coupable d’escroquerie et condamné en première instance à 18 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende, il a requis deux ans de prison avec sursis et 15.000 euros d’amende.
_ Enfin, pour la responsable des « cures de purification » reconnue coupable de pratique illégale de la pharmacie et condamnée en première instance à 2.000 euros d’amende, l’avocat général a demandé une amende de 4.000 euros.

M. Woirhaye a demandé la confirmation des peines prononcées à l’encontre, d’une part, du « dirigeant de fait » de la Scientologie parisienne reconnu coupable d’escroquerie et de complicité de pratique illégale de la pharmacie (deux ans de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende), et d’autre part, d’un vendeur à la librairie SEL reconnu coupable d’escroquerie, (dix huit mois de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende).

En l’absence des prévenus et de leurs avocats, il n’y a pas eu de plaidoiries de la défense.

Dans un communiqué diffusé jeudi 24 novembre 2011, la Scientologie écrit que « dans ce procès fantôme (…), seule la religion scientologue a été jugée. Par l’intermédiaire du Parquet et des dérives scandaleuses du Ministère de la Justice, l’Etat français a renoué avec les guerres de religion, les réquisitions prises à l’audience confinant à une justice stalinienne ». Mais si la Scientologie est absente des plaidoiries, elle a néanmoins tenté de défendre sa cause par médias interposés se déplaçant sur le terrain, lors de deux manifestations organisées les 22 et 24 novembre 2011 devant les grilles du palais de justice.

Rappelons que Mme Malton, seule plaignante (restante) lors du procès en correctionnelle, s’est désistée de sa constitution de partie civile après un accord financier avec la Scientologie.

Seuls le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens représenté par son avocat, Me Olivier Saumon et l’UNADFI représentée par Me Olivier Morice se trouvaient sur le banc des parties civiles. Le Conseil national de l’ordre des pharmaciens est en effet présent puisque plusieurs prévenus sont accusés d’exercice illégal de la pharmacie pour avoir prescrit un certain nombre de produits dans le cadre de cures de « désintoxication ».

Me Olivier Morice, qui a déclaré que l’UNADFI était présente pour « porter la voix des victimes » de la Scientologie, a appelé la Cour d’appel à prendre une décision « historique ». Si la branche française du mouvement est condamnée, ce sera « la première fois en France (…) qu’on dira que ses méthodes relèvent de l’escroquerie en bande organisée ».

| La décision a été mise en délibéré au 2 février 2012 à 9h. |

(Sources : AFP, 03.11.2011 & Nouvelobs.com / A.P., 17.11.2011 & France-Soir, 17.11.2011 & L’Express.fr, 17.11.2011 & A.P., 17.11.2011 & Paris Match, Marie Desnos, 17.11.2011 & Le Figaro.fr, Angélique Négroni, 18.11.2011 & Sud-Ouest, D. de Laage, 18.11.2000 & Le Point / AFP, 22.11.2011 & Le Monde / AFP, 24.11.2011 & France-Soir, M. Ricard, 24.11.2011 & Nouvel.obs.com / A.P., 24.11.2011)