Procès de Juliano Verbard

La Réunion / Coeur douloureux et immaculé de Marie

Le procès de Juliano Verbard, 28 ans, et de ses quinze co-accusés s’est déroulé du 6 au 20 avril 2011 devant la cour d’assises de Saint-Denis, à La Réunion. Tous ces protagonistes comparaissaient pour des faits d’enlèvement, de complicité d’enlèvement et de séquestration d’Alexandre, âgé de 12 ans en 2007, à l’époque des faits. Il avait été enlevé à deux reprises.


Petit Lys d’Amour, Petit Caillou, Petite Servante…

L’histoire publique de Juliano Verbard débute en 2002, lorsqu’il s’autoproclame à presque 20 ans « confident de la Vierge ». Il prétend qu’elle lui apparaît le 8 de chaque mois à 22h, l’appelant « Petit Lys d’amour ».

Le 12 novembre de la même année, près de 300 personnes assistent à ces pseudo-apparitions au lieu-dit l’Oasis de la paix. Peu après, Juliano Verbard est approché par des membres d’une communauté religieuse, l’Ordre de Saint-Charbel. Ce mouvement a été fondé en Australie par William Kamm, surnommé The Little Pebble (Petit Caillou) qui déclare avoir des apparitions de la Vierge le 13 de chaque mois.

Selon Juliano Verbard, « l’association » Coeur Douloureux et Immaculé de Marie a été créée sur les directives de l’Ordre de Saint-Charbel. Pourtant, William Kamm s’avère être un personnage peu recommandable. Attiré par les très jeunes filles, il sera condamné à deux reprises pour agressions sexuelles.

Dès le 16 novembre 2002 d’ailleurs, l’évêque de la Réunion, Mgr Aubry, dénonce cette influence et « les dérives sectaires » de « Coeur Douloureux et Immaculé de Marie.

En 2003, selon diverses sources, Juliano Verbard effectue « un voyage initiatique » dans une communauté religieuse installée près de Dijon, « Amour et Miséricorde ». La gourelle du groupe, Eliane Deschamps, alias la « Petite Servante », prétend, elle aussi, que la Vierge lui apparaît « à date et heure fixe ». Cette communauté fait aujourd’hui l’objet d’une information judiciaire.

Une première affaire

En 2003, Juliano Verbard commet des viols et des agressions sexuelles sur un « enfant de cœur » du groupe de prière et son petit frère. La mère des enfants, trésorière du groupe, dépose plainte. Juliano Verbard est placé en détention provisoire. Il tente vainement de s’évader à deux reprises. En 2004, il quitte la prison mais reste placé sous contrôle judiciaire. Son procès s’ouvre en 2006, mais sans lui, car il se cache. Il est condamné par défaut à 15 ans de prison pour viols sur mineurs.

Deuxième, puis troisième affaire

Nouvelle affaire en 2007 : elle concerne cette fois Mathias, 12 ans. D’après ses parents, membres de « Cœur Douloureux et Immaculé de Marie », le jeune garçon porte des traces de brûlures infligées sur les injonctions de Juliano Verbard ! Ce dernier reste introuvable malgré une traque policière mais sept de ses disciples sont interpellés et mis en examen pour « recel de malfaiteurs ».

En juillet 2007, le jeune Alexandre disparaît et ne réapparaît que le lendemain. Les gendarmes retrouvent son ravisseur, Guillaume Maillot, membre de la secte. C’est lui qui a « repéré » Alexandre et l’a présenté à Juliano Verbard.

Le 5 août 2007, Alexandre est à nouveau enlevé au domicile de ses parents « par un commando armé » et encagoulé. Sa mère et sa grand-mère sont ligotées et bâillonnées, son oncle violenté et lui caché dans le coffre d’une voiture. Il aurait été désigné comme successeur du gourou mais, selon une autre version entendue lors du procès, le but était de faire « reconnaître » l’Ordre de Saint-Charbel !

Les autorités mettent en place un important dispositif pour rechercher Alexandre sur l’ensemble de l’île et la police finit par retrouver le jeune garçon. Elle découvre, par la même occasion, Juliano Verbard recherché depuis quatre ans. Il est incarcéré avec des adeptes de la secte.

L’évasion

Jugé à nouveau en 2008, pour l’agression des deux enfants en 2003, Juliano Verbard voit sa précédente condamnation confirmée par la Cour d’assises de Saint-Denis. Il est alors transféré dans le nouveau centre de détention de Domenjod. Il y demeure jusqu’à l’évènement spectaculaire d’avril 2009 : Juliano Verbard, son compagnon Fabrice Michel et le beau-père de ce dernier, Alexin Michel, s’évadent en hélicoptère de cette prison « modèle » !

Après neuf jours de recherches acharnées, les trois hommes sont retrouvés.

Condamnations multiples

En 2010, les rendez-vous judiciaires s’enchaînent. Juliano Verbard et Fabrice Michel sont d’abord condamnés à deux ans de prison pour des faits de violence commis sur l’enfant de 12 ans, Mathias, puis fin avril 2010, ils sont jugés sur le volet criminel de l’affaire : les viols en réunion commis sur ce même Mathias et sur son frère Cédric. Juliano Verbard est condamné à 18 ans de prison et Fabrice Michel à 10 ans. Déjà condamné à 15 ans de prison, il bénéficie de la confusion des peines. Sa condamnation ne dépasse pas 18 ans.

Le procès d’avril 2011

Juliano Verbard, 28 ans, et quinze co-accusés comparaissaient du 6 au 20 avril 2011 devant la Cour d’assises de Saint-Denis, à La Réunion, pour le double enlèvement d’Alexandre, âgé de 12 ans à l’époque des faits. Les charges de complicité d’enlèvement et de séquestration ont également été retenues.

Agé aujourd’hui de 17 ans, Alexandre est venu de métropole où il vit dorénavant avec sa mère et son petit frère. Il affronte ses ravisseurs pour la première fois, près de quatre ans après le rapt.

Ce procès hors du commun, qui compte sept parties civiles et quatorze avocats, aura permis d’entendre deux témoins clés : Monseigneur Gilbert Aubry, évêque de La Réunion qui s’est expliqué sur le volet « religieux » de l’affaire, et Georges Fenech, président de la MIVILUDES, cité par l’avocat général Michel Baud. Selon lui ce groupe de prière réunit tous les éléments d’un mouvement sectaire. Citant plusieurs critères que l’on retrouve dans « Cœur Douloureux et Immaculé de Marie », le président de la Mission rappelle ce point essentiel : les adeptes obéissent « aveuglément au chef charismatique, au gourou, sans se poser de questions ».

Les experts appelés à la barre ont, de leur côté, apporté un éclairage sur les actes des adeptes de Coeur Douloureux et Immaculé de Marie, qui, globalement, prouvent un endoctrinement et une perte d’autonomie de la pensée. Ainsi, la vie des cinq frères Daleton et de leurs proches est passée au crible. Déçus par l’évolution de l’Eglise romaine, tous se revendiquaient traditionnalistes et lorsque la famille découvre Juliano Verbard, lors d’un reportage télévisé sur « ses miracles », l’adhésion est totale. La famille rejoint immédiatement son groupe de prière. Il est à noter, enfin, que certains adeptes ont intégré le groupe de prière alors qu’ils étaient jeunes : l’un des frères Daleton, Yves, n’était âgé que de 13 ans et Anissa Gens de 16 ans.
Le 15 avril 2011, le Parquet, représenté par Michel Baud, a requis entre 10 et 15 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Juliano Verbard et entre 10 et 12 ans à l’encontre de Fabrice Michel.

Au cours du procès, il est apparu que Corinne Michel, 23 ans, « l’épouse mystique » du Petit Caillou, le dirigeant de l’Ordre de Saint-Charbel en Australie, fille d’Alexin Michel et sœur de Fabrice Michel, était « le lien » entre les deux groupes. Elle obéissait à un ordre de la Vierge : enlever le jeune Alexandre ! Se déclarant elle-même « instigatrice principale », elle aurait recruté des « hommes de main » (les frères Daleton) pour le second enlèvement. De son côté, Sandrine Hoarau, l’un des « cerveaux » de l’opération, a affirmé elle aussi avoir obéi à un message de la Vierge « demandant de prendre Alexandre pour en faire un prêtre «. Les disciples de Juliano Verbard se rejoignent tous pour le mettre hors de cause…

La figure du gourou aura évolué pendant les audiences. « D’abord présenté comme un homme puissant et manipulateur », il a laissé apparaître « un manque d’assurance et d’autorité vis-à-vis de ses fidèles puisqu’il n’a pas pu les dissuader d’enlever Alexandre ». Au terme de onze jours d’audience, après sept heures de délibéré, le président du tribunal, Michel Carrue, ses assesseurs et les jurés ont, malgré ces éléments, prononcé contre Juliano Verbard et son compagnon, Fabrice Michel, une peine de 9 ans de prison ferme. Treize disciples ont écopé de condamnations allant de 2 ans avec sursis à 8 ans d’emprisonnement ferme.

Les victimes ont été choquées de constater que Guillaume Maillot, celui qui avait présenté Alexandre à Juliano Verbard, considéré par certains comme « l’instigateur » de l’enlèvement, est reparti libre. Il est condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, et sa peine à un an de prison ferme pourra être aménagée. Comme le rappelle un avocat des parties civiles, il « encourait uniquement une peine correctionnelle puisqu’on ne lui reprochait qu’un délit ».

Les jeunes femmes de la secte qui se sont accusées pendant tout le procès « d’avoir fomenté l’enlèvement » paient, quant à elles, le prix fort. Pour Juliano Verbard, Fabrice Michel et les frères Daleton, le verdict est perçu « juste » et « proportionné ». Enfin, une femme de 54 ans qui clamait son innocence a été acquittée.

Pendant la durée de l’instruction, les membres du groupe de prière ont donné des versions différentes quant à leurs motivations. La nouvelle version d’un message de la Vierge validé par l’Ordre de Saint-Charbel, est plausible. Mais s’il ne s’agissait que « d’une nouvelle stratégie pour diluer la responsabilité de Verbard, la mission est accomplie »…

Le procès du double enlèvement d’Alexandre n’est pourtant pas le dernier de la liste ! Juliano Verbard a un dernier rendez-vous judiciaire, sans doute début 2012, où il devra rendre des comptes sur son évasion en hélicoptère.

Source : Clicanoo, Frédérique Seigle, 06.04.2011 & AFP, 20.04.2011 & Clicanoo, 15.04.2011 & Clicanoo, 21.04.2011 & 22.04.2011 & LINFO.re, 20.04.2011

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