L’ostracisme – Une odieuse pratique de conditionnement

Journaliste free-lance et écrivain, Achille Aveta a vécu 23 ans dans la filiale italienne des Témoins de Jéhovah avant d’en être excommunié par le « comité judiciaire » pour « apostasie ».

Depuis lors, il a analysé la doctrine et les règlements internes du mouvement, publié des ouvrages sur le sujet, et traduit en italien des ouvrages américains.

Ce texte est le résumé de son intervention lors du colloque de la FECRIS[1], « Les abus récurrents des sectes : témoignages et preuves », à Varsovie le 7 mai 2011.
 

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L’ostracisme parmi les Témoins de Jéhovah

La caractéristique du mouvement des Témoins de Jéhovah (TJ) est le conditionnement omniprésent de chacun de ses membres dans sa vie privée et sociale. En effet, l’existence, parmi les TJ, d’une pratique judiciaire pointilleuse est bien connue. Les publications de la Tour de Garde attribuent systématiquement des qualifications négatives – comme l’orgueil et la rébellion – aux membres dissidents du mouvement et on attend des membres ordinaires qu’ils acceptent l’hypothèse de base que « si quelqu’un a été excommunié, c’est qu’il doit avoir eu un cœur véritablement mauvais et/ou avoir décidé de persister dans une conduite déshonorant Dieu[2] ».

Pour connaître l’attitude des responsables du mouvement vis-à-vis des membres qui expriment un désaccord avec l’idéologie du groupe et qui, pour ce désaccord, subissent des mesures disciplinaires édictées par les instances de l’organisation judiciaire du mouvement, il suffit de lire les déclarations de sa publication officielle, la Tour de Garde, dans l’édition de janvier 1954 :

« Aujourd’hui nous ne vivons pas parmi des nations théocratiques dans lesquelles des membres de notre famille charnelle pourraient être exterminés pour apostasie par Dieu et par son organisation théocratique, comme cela était possible et courant dans la nation d’Israël… Nous ne pouvons agir contre les apostats que jusqu’à un certain point. La loi du pays et la loi de Dieu selon le Christ nous interdisent de tuer les apostats, même s’ils sont membres de notre propre famille ».

Les Témoins de Jéhovah sont donc dans l’obligation d’adopter une position très intransigeante, parce qu’ainsi le veut l’autorité religieuse car c’est à elle seule qu’incombe, dans tous les cas, la responsabilité de la division des familles. Les souffrances affectives consécutives sont incommensurables.

Tous les Témoins qui quittent le mouvement pour raison de conscience le font douloureusement en sachant qu’ils seront étiquetés comme hérétiques, indignes de fréquenter les autres Témoins. Même les membres de leur famille proche devront les considérer comme des bannis. Les règles du mouvement n’envisagent pas de sortie honorable. Nul ne peut prétendre, sauf à manquer de sensibilité et de sentiments humains naturels, que ce traitement de rejet ne provoque pas de dégâts affectifs.

Dans ce contexte, plus qu’un processus disciplinaire approprié, le système disciplinaire d’expulsion adopté par le mouvement apparaît comme un instrument de pouvoir sur ses membres. Le recours à la menace de l’ostracisme associé à l’expulsion pour faire peur aux membres et pour les forcer à se conformer à un comportement contraire à leur propre conscience, ou à accepter des doctrines que, pour des raisons de conscience ils considèrent contraires à la Bible, est une forme de chantage spirituel. Il peut être difficile d’identifier ces comportements, de les cerner et de les dénoncer comme nous le faisons par exemple pour le vol, l’homicide, la fraude, mais pourtant ils sont aussi immoraux et peut-être quelquefois pires.

On pourrait douter que ces règles rigides et intolérantes soient activement mises en pratique dans la communauté des TJ ; pourtant de très nombreux témoignages prouvent l’extension de cette pratique inquiétante…

[1] Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur le Sectarisme
[2] WT, juin 1983. The Watchtower (WT), en français, La Tour de Garde (TG) est la publication officielle des Témoins de Jéhovah, traduite en près de 200 langues.