L’avenir broyé par une secte

Sandra a vécu près de 10 ans dans l’Ashram de Mangrove Yoga1 en Australie. Trente ans après l’avoir quitté, elle livre un témoignage glaçant sur les conditions de vie des enfants au sein du groupe. Contrairement à d’autres, elle n’y a pas subi d’abus sexuels, mais ce qu’elle y a vécu l’a marqué à vie.

En 2014, la « commission royale d’enquête sur les réponses institutionnelles aux sévices sexuels sur enfants »2 avait étudié l’Ashram de Mangrove Yoga, également connu sous le nom de Satyananda Ashram, et avait alors révélé qu’il n’existait aucune mesure pour protéger les enfants.

Sandra est entrée dans le groupe à l’âge de quatre ans, avec sa mère « désireuse de se libérer des vieux paradigmes de la société traditionnelle et de forger une nouvelle façon de vivre ». Le gourou présentait son ashram comme non confessionnel, mais les adeptes étaient initiés à divers principes de la religion hindouiste (karma, yoga) dont la pratique devait les conduire à l’illumination. Il fallait renoncer à tout ce qui rattachait au passé : biens matériels, famille, ego. La rupture avec l’identité se matérialisait par l’adoption d’un « nom spirituel », le port de vêtements orange et le rasage des cheveux.

La rupture avec la famille ne concernait également que ceux qui étaient membres du groupe. Abandonnée par sa mère, Sandra a vécu avec d’autres enfants dans « l’Ashram Kids ». Ils dormaient dans des dortoirs, devaient se lever à cinq heures du matin pour méditer pendant plusieurs heures avant l’école, se surveillaient entre eux et s’infligeaient de sévères punitions pour des fautes anodines. Ils étaient battus pour avoir oublié de se brosser les dents, pour avoir parlé dans le bus les menant à l’école ou pour avoir critiqué le gourou.

Lorsqu’ils étaient malades, ils étaient mis en quarantaine dans une salle froide et humide dont ils n’avaient le droit de sortir que pour aller aux toilettes. Pour favoriser la guérison, les adeptes étaient encouragés à jeûner. Parfois, le gourou obligeait les femmes à se laver dans l’eau glaciale d’une crique, ce dont Sandra a beaucoup souffert.

Depuis sa sortie du groupe, elle essaie de se reconstruire mais manque cruellement de repères : « Mon éducation m’a brisée. Je pourrai même aller jusqu’à dire que cela m’a fragmentée » dit-elle. Elle n’arrive pas à avoir une vie stable. Adolescente, elle s’est droguée, a changé quatre fois de nom, n’arrive pas à garder un travail, ne parvient pas à construire une famille malgré la naissance de ses deux enfants. Elle a eu à plusieurs reprises un suivi psychologique, mais le traumatisme initial est toujours présent et la replonge dans la dépression.

(Source : News.com, 04.04.2017)

1. Lire sur le site de l’UNADFI, Une commission d’enquête donne la parole à des victimes de maltraitance : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/une-commission-d-enquete-donne-la-parole-a-des-victimes-de-maltraitance

2. Mise en place en 2013 par le gouvernement australien, elle étudie toutes les institutions dans lesquels des abus sexuels ont pu être commis sur des mineurs (club sportifs, écoles, groupes religieux), ainsi que les défaillances de leur protection en leur sein.