Déroulement du procès

Dix-huit ans après les premières plaintes, le premier procès visant la Scientologie en Belgique s’est ouvert le 26 octobre 2015. La 69è chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles doit juger deux personnes morales, la branche belge de la Scientologie(ASBL1) et le Bureau européen pour les droits de l’homme (émanation bruxelloise du siège américain de l’organisation) et onze de leurs dirigeants. Ils sont poursuivis pour escroquerie, fraude, pratique illégale de la médecine, violation de la vie privée et extorsion.

Lundi 26 octobre 2015. Pour entamer ce procès le président du tribunal, Yves Régimont, met l’accent sur le code disciplinaire de la Scientologie et sur les moyens de générer de l’argent. Deux prévenus sont auditionnés : Anne-France H., ancienne trésorière sortie du mouvement en 2005 et Vincent G. un ancien président de la Scientologie belge.

Mardi 27 octobre 2015. Le tribunal a interrogé une autre prévenue qui était « responsable de la prescription des doses de vitamines » administrées aux adeptes dans le cadre du programme de purification. Elle a d’emblée précisé que pour elle, ce n’était pas un acte médical. Elle se basait sur les écrits d’Hubbard et sur ses propres lectures pour indiquer les doses à prendre. Elle a indiqué qu’une cure de purification coûte près de 3 750 euros.
Ce jour-là, la défense a provoqué un incident d’audience en reprochant au président du tribunal de mener une instruction d’audience trop orientée et non respectueuse des croyances des scientologues.

Jeudi 29 octobre 2015. Le président a entamé les débats sur la manière dont la Scientologie s’évertuait à rattraper les membres tentés par un départ. S’il est apparu que quitter la Scientologie est possible à tout moment, il s’avère que la démarche relève du parcours du combattant : mise en place d’une feuille de route tenue par le candidat au départ avec série d’entretiens avec l’officier d’éthique.
Le tribunal a également entendu Fabio A. qui coordonne actuellement les programmes humanitaires de la Scientologie aux Etats-Unis. Entre 2003 et 2010, il dirigeait le bureau européen de la Scientologie situé à Bruxelles. Il est suspecté de violation de la vie privée après avoir adressé, le 30 janvier 2004, une lettre aux eurodéputés.

Vendredi 30 octobre 2015. Martin W., porte-parole et agent du renseignement scientologue est entendu au sujet des enquêtes clandestines qu’il aurait menées en Belgique. Il nie, comme il en est fait mention dans le dossier pénal, avoir infiltré Europol et Interpol mais reconnait avoir rencontré les directeurs de ces services pour leur signifier que les dossiers judiciaires concernant la Scientologie n’étaient pas fondés.
Il a également nié avoir tenté de dissimuler des disquettes le jour de la perquisition.

Lundi 9 novembre 2015. C’est le volet des offres d’emploi fictives publiées entre 2007 et 2008 qui est abordé avec l’audition d’une prévenue, ancienne directrice de la Scientologie en Belgique. Elle a expliqué qu’elle avait pour mission de faire de la Scientologie de Belgique une « église idéale » en augmentant le nombre de membres actifs et que pour atteindre cet objectif, elle avait diffusé des annonces de « postes à pourvoir ». Elle a confirmé que ce principe était valorisé par les dirigeants au niveau mondial. Avec une autre détenue et l’ASBL, elle devra répondre de faux en écriture et d’usage de faux concernant des offres d’emploi et des déclarations d’adhésion. Il leur est reproché ne pas avoir mentionné que le travail proposé n’était pas rémunéré et qu’il s’agissait d’un bénévolat avec défraiement. Les annonces ne mentionnaient pas non plus le lien avec la Scientologie.
Le juge a rappelé que 61 personnes ont répondu à ces offres et que toutes ont affirmé avoir cru signer un contrat de travail.
Suite à des problèmes de santé du procureur Christophe Caliman, le procès est suspendu durant quinze jours.

Mardi 24 novembre 2015. De nouveau sur pied, le procureur Christophe Caliman se lance dans un réquisitoire marathon. Il a tout d’abord déploré l’absence des victimes au procès, rappelant qu’elles avaient « retiré leur plainte suite à une discrète et tardive indemnisation par la Scientologie en échange de leur silence ». Même si la manoeuvre n’est pas illégale, il fait remarquer qu’elle prive les débats d’un important éclairage sur les pratiques de cette organisation. Christophe Caliman s’est appliqué à démontrer que les écrits de Ron Hubbard approuvaient explicitement les activités criminelles énumérées dans l’acte d’accusation. Il a également indiqué que les prévenus avaient clairement admis qu’ils exécutaient les ordres fixés dans les nombreuses lettres d’instruction laissées par le fondateur.
Concernant la pratique illégale de la médecine, le procureur a principalement axé ses propos sur la cure de purification rappelant qu’un rapport d’experts a conclu que cette procédure était frauduleuse et que des médecins ont estimé que la prise de vitamines n’était pas sans danger pour la santé. Il inclut également les « passes tactiles » (Touch Assist), sortes de technique d’imposition des mains créée par Hubbard qui, quand elles sont pratiquées sur un membre en guise de traitement médical, relèvent aussi de l’exercice illégal de la médecine.
 

Mercredi 25 novembre. Le ministère public a requis la dissolution de l’ASBL Église de Scientologie Belgique ainsi que le maximum du taux d’amende (200 000 euros) à son encontre et des peines de prison avec sursis allant de six à vingt mois à l’encontre des prévenus.
Depuis le début des débats, les avocats de la Scientologie se retranchent derrière la liberté religieuse pour justifier les dérives de l’organisation déjà condamnée en France pour escroquerie. Ils entendent dénoncer une instruction jugée partiale.
L’ASBL a déjà déposé une plainte contre la manière dont l’enquête a été menée, plainte qui a rapidement été classée sans suite.
Les plaidoiries se dérouleront jusqu’au 11 décembre 2015.

(Sources : RTBF.be, 27 et 29.10.2015 & DHnet.be, 26 et 29.10.2015 et 09.11.2015 & La Libre Belgique, 09 et 25.11.2015 & Libération, Emmanuel Fansten, 11.11.2015 & ByLine, Jonny Jacobsen, 25.11.2015 & Le Soir.be, 25.11.2015)

1- Association sans but lucratif