Coachs en tout genre : attention à la manipulation

Enquête sur tous ces « conseillers, mentors, gardiens » qui envahissent tous les domaines de notre vie.

Dans la jungle du travail sur soi


Surmédiatisé et utilisé comme un produit marketing, le coaching reste une profession « obscure ». Selon la Société française de coaching (SFCoach), c’est un « accompagnement de personnes ou d’équipes pour le développement de leurs potentiels et de leurs savoir-faire dans le cadre d’objectifs professionnels ».

La première école de coaching (auto ?) présentée comme « sérieuse », Transformance, a été créée en 1988. Son fondateur, Vincent Lenhardt, auto-proclamé pape du coaching et son associé, Laurent Buratti, conseil en management proposent un programme qui a pour ambition de créer les « coachs de demain » en 29 jours de cours, répartis en 10 sessions…

Le marché du coaching professionnel est juteux mais reste difficile à évaluer. Selon SFCoach, il a frôlé en 2008 les 75 millions d’euros mais selon Vincent Lenhardt, il atteindrait… plus de 400 millions d’euros !
En France entre 2.500 et 3.000 coachs d’entreprise se partagent les recettes, sachant qu’une séance pour un particulier peut être facturée 100 euros et qu’une séance pour coacher une équipe peut se monter à 10.000 euros.

Le hic : la profession n’est pas réglementée et au niveau national et européen, aucun diplôme n’est reconnu. Certains s’inquiètent de cette situation et dénoncent une manipulation « à coups de normes et de dépendance ». Pour pallier ce risque, certaines associations comme la Société française de coaching (SFCoach) et l’Association européenne de coaching tentent de professionnaliser « ce nouveau métier ». Moyennant 550 euros, « un jury d’experts » mandaté par la SFCoach accrédite environ 200 coachs par an. Ils créent ainsi « un code de déontologie unique en son genre ».

Mais malgré ces efforts, « le coaching reste insuffisamment visible et lisible dans sa pratique et dans ses intentions », déplore Henri-Pierre Debord, conseiller à la MIVILUDES, car explique-t-il, certains prestataires en lien avec des sectes « s’insèrent de plus en plus dans les formations ». Les coachs sont ensuite utilisés « comme vecteur d’accès aux rouages économiques » de certaines sociétés.

Le coaching ne doit pas pénétrer la vie privée !

L’une des reporters a interviewé le sociologue Robert Ebguy, par ailleurs directeur de recherches au Centre de communication avancée.

Selon Robert Ebguy, pour survivre, les individus sont désormais poussés à rentrer dans le moule d’une société de plus en plus dure. Dans une société qui devient « frileuse », l’accomplissement individuel « passe après les impératifs sociaux » et dans une machine « à fabriquer de la précarité et de l’exclusion, les individus ont peur de ne pas être à la hauteur ».

Pour le sociologue, la première escroquerie du coaching « est qu’il part du postulat que le monde, notamment l’entreprise, est immuable et intangible ». C’est à l’individu de changer et de se conformer. La deuxième escroquerie du coaching est la promesse de faire de l’individu un homme nouveau bien loin du perdant et proche de « superman » !

Derrière « un vocabulaire humaniste », le coaching « présente l’avantage » de neutraliser les conflits. La violence ne s’extériorise plus mais est retournée contre soi ! Il ne faut pas oublier que le coach est payé par le patron pour synchroniser les ambitions et les désirs du salarié avec ceux de l’entreprise et ne travailler l’épanouissement personnel que « sous l’angle de l’adaptation sociale ». Robert Ebguy conclut son analyse an comparant le coaching à… une « philosophie de banc de poissons » dans laquelle les parcours sont modélisés et les consciences synchronisées…

Source : Paris-Match, Cécile Guéret & Emilie Blachère, 5 au 11 mars 2009