Une communauté sectaire au sein de l’Église catholique

Selon une enquête menée par le bureau d’un procureur général péruvien, le fondateur de Sodalitium Christianae Vitae (SCV), , Luis Fernando Figari et une vingtaine d’autres membres de la communauté se sont rendus coupables de faits graves. Ils sont accusés par d’anciens membres d’abus sexuels et de mauvais traitements physiques, psychologiques et spirituels. Cinq d’entre eux ont également déposé une plainte pour enlèvement, agression et association de malfaiteurs. Ces abus « très graves » ont été commis entre 1983 et 1990.

Les premières allégations d’abus sexuel sont apparues en 2010, après la démission du chef spirituel. Cinq ans plus tard, deux journalistes, Pedro Salinas1 et Paola Ugaz, ont révélé de nouveaux témoignages accablants contre le fondateur de Sodalitium. Ils décrivent Luis Fernando Figari comme un vrai prédateur sexuel.
L’ensemble du dossier est désormais entre les mains du Vatican. La justice péruvienne a ouvert une enquête pénale en novembre 2015. Elle entend déterminer les raisons pour lesquelles l’archevêque de Lima, Juan Luis Cipriani, n’a pas dénoncé les faits alors qu’il en avait connaissance.

Après avoir reconnu publiquement les faits, Alessandro Moroni, leader actuel de Sodalitium, a présenté ses excuses aux victimes et condamné les agissements du fondateur. Mais pour les anciens membres, le groupe continuerait à protéger Figari et à subvenir à ses besoins.
Luis Fernando Figari vivrait à Rome depuis 2010. Il est considéré comme légalement inattaquable tant au Pérou qu’au Vatican en raison du dépassement des délais de prescription2.

Cinq anciens membres de la secte tentent d’obliger les responsables à rendre des comptes : ils ont porté plainte le mois dernier, au Pérou, contre Figari et sept autres personnes pour enlèvement, agression et association de malfaiteurs, crimes qui pourraient être punis de peines de prison allant jusqu’à 30 ans selon le code pénal du Pérou.

Les victimes ont déclaré avoir été privées de leur liberté et redoutent de devoir endurer toute leur vie des dommages psychologiques. Craignant de ne pouvoir obtenir un procès, elles souhaitent aujourd’hui que leur témoignage serve à protéger d’autres enfants.

(Source : La Croix, Frédéric Mounier, 05.09.2011 et Nicolas Senèze, 18.04.2016 & The Guardian, 16.06.2016)

1- Pedro Salinas, Mitad monjes, mitad soldados (mi-moines, mi-soldats), éditions Planeta, 2015.

2- Le délai de prescription concernant les crimes sexuels a récemment été supprimé par le Vatican mais seulement pour les prêtres – et non les laïques comme Figari.

À savoir

La communauté Sodalitium Christianae Vitae a été créée en 1971 par Luis Fernando Figari, laïc consacré, et reconnue par Rome comme association de droit pontifical en 1994. Elle a acquis le statut de société de vie apostolique grâce au Pape Jean-Paul II, le 8 juillet 1997. Elle est composée de laïcs et de prêtres. Vouée à la nouvelle évangélisation, SCV a souvent été critiquée pour son conservatisme et l’extrême rigueur de ses méthodes de recrutement et d’éducation qualifiées de sectaires.
SCV a adopté une attitude militariste. Figari s’est ouvertement rallié à l’idéologie fasciste espagnole. Il admirait « les qualités oratoires » d’Hitler ou de Mussolini. Il a recruté des enfants et des jeunes hommes des classes moyennes et supérieures (pour la plupart européens).
Selon Pedro Salinas, c’était une organisation « absolument totalitaire où le pouvoir reposait dans les mains d’une seule personne : Luis Fernando Figari ».

(Source : La Croix, Frédéric Mounier, 05.09.2011 et Nicolas Senèze, 18.04.2016 & The Guardian, 16.06.2016)