Aux États-Unis, une enquête a révélé de nombreux abus sexuels commis au sein d’églises et d’écoles issues du mouvement baptiste fondamental indépendant. Ces crimes perpétrés sur des femmes et des enfants ont été volontairement dissimulés, leurs auteurs seulement mutés. Plus de 200 victimes, membres ou anciens membres ont témoigné de leur calvaire au sein de ces églises où la suprématie de l’homme ne peut être discutée.
Il s’agirait d’au moins 412 allégations d’inconduite sexuelle dans 187 églises baptistes indépendantes et leurs institutions affiliées, réparties dans 40 États et au Canada. 168 chefs d’église ont été accusés ou reconnus coupables de crimes sexuels contre des enfants. Au moins 45 des présumés agresseurs ont continué d’exercer des fonctions ministérielles après que des accusations ont été portées à l’attention des autorités religieuses ou des forces de l’ordre. Les victimes ont déclaré que leur nombre était beaucoup plus important car peu se sont manifestées. D’autre part nombre des auteurs présumés ne seront jamais inquiétés à cause du délai de prescription.
Pour la première fois, des pasteurs ont admis qu’ils avaient évincé des auteurs présumés d’agression de leurs églises plutôt que de les dénoncer à la police. Stacey Shiflett, pasteur baptiste fondamental indépendant à Dundalk (Maryland), propose une version très personnelle de la non-assistance à personne en danger : « C’est une philosophie, certes imparfaite mais on n’aère pas son linge sale devant tout le monde. Et puis l’autre philosophie est qu’il est faux de dire quelque chose de mauvais à propos d’un autre prédicateur ».
Du Connecticut à la Californie, les histoires sont tragiquement similaires :
– Joy Evans Ryder avait 15 ans lorsque Dave Hyles, responsable jeunesse de son église et fils du pasteur charismatique de la première église baptiste de Hammond (Indiana) l’a violée. Trois autres victimes de Hyles se sont manifestées mais il n’a jamais fait l’objet d’inculpations.
– Un ministre chargé de la musique a agressé une jeune fille de 15 ans en Caroline du Nord et a déménagé dans une autre église en Floride.
– Les parents d’une autre jeune fille ont reconnu devant leur congrégation du Connecticut le « péché » alors qu’elle avait été abusée par le pasteur chargé de la jeunesse.
En plus d’avoir été abusées, ces victimes ont été terrorisées et savent que leur passé affectera le reste de leur vie. Il faut comprendre le pouvoir qu’exercent les églises baptistes indépendantes sur leurs fidèles : de nombreux pasteurs développent leur autorité par la peur et l’interprétation des versets de la Bible. Aller contre l’avis du pasteur d’une église baptiste fondamentale indépendante est presque impensable. « L’homme de Dieu » est choisi par Dieu et constitue le lien direct avec lui. Interroger le pasteur, c’est interroger Dieu.
Certaines victimes se demandent depuis des années si les abus qu’elles ont subis sont le résultat de la colère de Dieu. D’autres ont cru que s’ils désobéissaient ou s’ils quittaient l’église, Dieu s’en prendrait à eux ou à leurs proches.
Des églises baptistes fondamentales indépendantes demandent à leurs fidèles de ne pas côtoyer ceux qui n’appartiennent pas à leur église.
Qualifiées de sectes par d’anciens membres, ces églises seraient 6 000 dans le monde. Elles fonctionnent de manière indépendante mais leurs pasteurs sont liés selon le collège qu’ils ont fréquentés : l’université Bob Jones, les collèges Hyles-Anderson, Pensacola Christian College et Golden State Baptist College, pour n’en nommer que quelques-uns. Les pasteurs entretiennent leurs relations dans ce réseau informel qui sert éventuellement à aider les abuseurs à trouver des refuges.
La plupart des églises les ayant abrités se trouvent dans le Sud-Est et le Midwest, 17 en Caroline du Nord, 12 dans l’Ohio et 9 au Texas.
Les conséquences sont rares pour les pasteurs qui dissimulent un comportement abusif. Dans certains cas, ce sont même les victimes qui ont été obligées de s’excuser devant la congrégation.
(Source : Star Telegram, 09.12.2018)