Mensonge, sexe et omerta

Lyon Capitale revient sur l’affaire de Péronne (81), passée inaperçue dans les médias, exception faite du Courrier Picard (lire la synthèse précédente).

Cette affaire impliquait un ancien Témoin de Jéhovah, âgé de 78 ans qui, entre 1988 et 1996, avait agressé sexuellement et violé sept de ses petites filles, toutes sœurs ou cousines. L’omerta de la famille et des Témoins de Jéhovah de Péronne n’avait été brisée qu’en mars 2010.

Ce dossier avait permis de mettre en lumière les pratiques des Témoins de Jéhovah qui agissent « en marge des institutions » et qui avaient « dissimulé pendant vingt deux ans les viols aux yeux de la justice ». En matière d’abus sexuels sur mineur, l’organisation des Témoins de Jéhovah applique en effet ses propres règles, « édictées par un collège de hauts dirigeants » appelés « anciens », basés à la Watchtower, la société mère de Brooklyn en Pennsylvanie (Etats-Unis). Le manuel réservé aux « anciens » a pour titre « Faites paître le troupeau de Dieu ». Il énonce que deux personnes au moins doivent avoir été témoins de l’agression sexuelle. Ainsi lorsqu’un enfant est interrogé et qu’un pédophile incriminé nie les faits, le seul témoignage de l’enfant victime n’est pas suffisant. « Les anciens sont tenus de lui demander de produire deux témoins oculaires » comme si un agresseur agissait en présence d’un témoin ! Rappelons que le « code pénal interne » des Témoins de Jéhovah s’appuie sur une référence biblique, le Deutéronome [cinquième livre de la Bible hébraïque ou Ancien Testament], écrit en 1473 avant notre ère. Les Témoins de Jéhovah l’appliquent à la lettre.

Auditionné il y a quelques années, lors de la commission d’enquête parlementaire « relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire » et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Alain Berrou, ancien responsable, explique que le mouvement a tout un système de « justice parallèle » et que c’est le Collège des anciens qui détermine « la meilleure solution pour la Congrégation et sa réputation » dans le cas d’une agression d’enfant.

La jurisprudence française recense des condamnations de Témoins de Jéhovah pour non-dénonciation de crimes ou non-assistance à personne en danger dans des affaires d’inceste et/ou de pédophilie. Et à Péronne, seule une prescription de trois ans a évité aux responsables de la congrégation locale de se retrouver dans le box des accusés.

Si Péronne n’a pas suscité d’intérêt dans la presse nationale, en revanche l’affaire Candace Conti qui s’est déroulée outre-Atlantique, « a fait la une de tous les grands médias de la planète ». L’affaire concerne une jeune Témoin de Jéhovah agressée par un autre adepte. Elle était mineure à l’époque des faits. Il y a un an, la Cour supérieure du comté d’Alameda en Californie, jugeant cette affaire de pédophilie, a condamné la Watchtower Bible & Tract Society of New York Inc, l’entité juridique des Témoins de Jéhovah, à payer 28 millions de dollars de dommages et intérêts. Les juges avaient alors condamné « la politique du secret » de l’organisation. A noter que la dite organisation a fait appel. Un jugement devrait avoir lieu dans les prochains mois.

Les pédophiles sont protégés par une loi du silence

William H. Bowen a passé 43 ans chez les Témoins de Jéhovah américains dont 15 en tant qu’ « ancien ». Suite à la découverte d’abus sexuels sur mineurs commis au sein de l’organisation, « connus » mais « cachés par la direction », il quitte les Témoins de Jéhovah pour fonder « Silentlambs » (Les Agneaux silencieux), une association de victimes d’abus sexuels perpétrés dans l’organisation.

Il a publié sur son site une base de données appartenant aux Témoins de Jéhovah, faisant état de 23 720 cas d’agressions sexuelles et de viols. La base date de 2002. Aujourd’hui, il estime que cette base contient plus de 40.000 noms d’agresseurs d’enfants.

(Source : Lyon Capitale, Guillaume Lamy, juillet-août 2013)