Méditation et politique, une stratégie idéologique 

Dans les coulisses feutrées d’un ashram néerlandais s’est nouée, au début des années 1990, une alliance improbable entre spiritualité et extrémisme politique. Maharishi Mahesh Yogi, fondateur de la Méditation Transcendantale (MT), a reçu des dirigeants du nationalisme hindou peu avant la démolition de la mosquée Babri à Ayodhya, un moment charnière de l’histoire contemporaine de l’Inde. 

Selon un essai de Shreeniwas Aiyer, ancien professeur à Amsterdam et agent de liaison pour l’ambassade de l’Inde aux Pays-Bas, Maharishi aurait accueilli en 1992 LK Advani, alors chef de l’opposition au Parlement indien, et Ashok Singhal, figure emblématique du nationalisme religieux et artisan idéologique de la destruction de la mosquée. La rencontre aurait eu lieu dans la résidence de Maharishi à Vlodrop. Singhal, fervent défenseur d’un « État hindou », était décrit par certains comme le « Khomeini hindou » pour sa vision théocratique assumée. 

Cette convergence entre spiritualité védique et politique identitaire ne serait pas un épisode isolé. D’après un article de l’India Post daté de juin 2014, Narendra Modi, aujourd’hui Premier ministre de l’Inde, aurait lui aussi rencontré Maharishi cette même année, en tant que membre d’une délégation politique. Il pratiquait déjà la MT, que l’organisation de Maharishi présente comme une technique apolitique et non religieuse. 

Derrière la façade méditative, c’est un projet de société beaucoup plus radical qui s’est dessiné. Dans son livre Ideal India (2001), Maharishi appelle à instaurer un « gouvernement parfait » fondé sur les Védas, vision explicitement contraire à la démocratie et à la laïcité. Ce rêve de gouvernement théocratique védique rejoint dangereusement celui d’un « Hindu Rashtra », prôné par les figures de l’Hindutva comme Advani et Singhal. 

Le massacre d’Ayodhya, glorifié par Maharishi TV selon certaines sources, illustre cette dérive dangereuse. Pour rappel, il y a eu plus de deux mille morts dans les émeutes communautaires qui ont suivi la destruction de la mosquée. C’est aussi un signal inquiétant pour les minorités religieuses dans un pays officiellement laïque. Derrière les mantras et les discours sur la paix mondiale, c’est une stratégie d’influence religieuse, politique et idéologique qui trace son chemin. Et la Méditation Transcendantale, souvent présentée comme neutre, apparaît dans ce contexte comme un instrument au service d’une vision hégémonique hindoue. 

(Source : Meditacio, 01.04.2025) 

  • Auteur : Unadfi