Main basse de l’Anthroposophie sur Bagnères-de-Bigorre

Depuis quelques mois, le village de Bagnères-de-Bigorre a vu sa population s’accroître d’une dizaine de nouvelles familles, non en raison de l’attrait du village, mais pour l’école Steiner des Boutons d’Or dont le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter depuis sa création en 2013.

L’école primaire compte aujourd’hui 68 élèves, et devrait en scolariser 50 de plus à la rentrée 2021, tant et si bien que l’ouverture d’un collège est envisagée et que l’école a dû investir dans de nouveaux locaux situés sur un terrain de 1,5 hectares. Le projet atteignant 700 000 euros aurait été soutenu par des dons et des prêts privés. Autour de cette nouvelle école devrait fleurir, à terme, le projet Serbois, un éco-quartier comprenant des logements et des jardins partagés. Son financeur principal Victor de Beauvoir aurait admis, devant plusieurs maires de la région, « on a cherché à infiltrer Bagnères ».

Mais cette croissance n’est pas du goût de tout le monde et inquiète les habitants, comme Sylvette Moel, ancienne institutrice et ex-élue, qui s’alarme « de la présence grandissante de cette école » dont elle considère les objectifs comme insidieux.

Si les 200 pages du projet pédagogique de l’école associative semblent louables sur le papier, avec un enseignement en effectif réduit, sans compétition, proche de la nature, les fondements occultistes et spirituels de la pensée de Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie et concepteur de cette pédagogie, sont passés sous silence.

Si l’équipe pédagogique de l’école dément toute référence à l’anthroposophie dans l’école, on y retrouve pourtant deux disciplines propres à la pédagogie Steiner, liées au mysticisme de ce dernier : le dessin de forme et l’eurythmie, une sorte de gymnastique dont il disait qu’elle « fortifie l’âme en la faisant pénétrer vivante dans le supra sensible ».

Deux inspections académiques récentes n’ont pas rassuré les sceptiques. Celle d’août 2020 ne relevait aucune trace d’enseignement des sciences. Et pour cause, les sciences ne sont pas enseignées avant la 6e « pour éviter aux élèves des concepts achevés, des certitudes trop précoces qui limitent l’esprit critique » explique la directrice de l’école.

Les détracteurs de l’école s’inquiètent aussi de l’installation de Henri Dahan, ancien délégué général de la Fédération des écoles Steiner et ancien directeur pédagogique de l’école Steiner de Françoise Nyssen, ex-ministre de la Culture. Son influence est déjà importante dans la région. Sa femme enseigne l’eurythmie aux Boutons d’Or et lui-même est membre du fonds de dotation qui soutient le projet Serbois.

Le succès de l’école des Boutons d’or n’est pas sans conséquence sur l’école publique. Dix-huit enfants qui pourraient être scolarisés dans l’école d’un village proche de Bagnères vont aux Boutons d’Or si bien que l’une des classes est menacée de fermeture.

Les nouveaux venus suscitent aussi des inquiétudes au plan politique. Les relations sont tendues entre l’équipe des Boutons d’Or et le maire de la commune qui considère qu’il n’a pas besoin d’apporter « une nouvelle attractivité » au village selon les mots des nouveaux venus.

En 2020, une liste écologiste présentant une dizaine de parents de l’école a fait un score honorable au premier tour des municipales. Sa tête de liste, Julien Robbé, interrogé par Charlie Hebdo, déplore la façon dont les « néoruraux sont accueillis » dans le village et critique l’équipe municipale qui serait climatosceptique selon ses dires. Il ajoute « si une famille veut que son enfant mange bio et végétarien, il n’y a que cette école ici ». Ecole dont il prétend ignorer la pédagogie, alors que son ex-épouse y était enseignante…

(Source : Charlie Hebdo, 26.05.2021)

  • Auteur : Unadfi