La parution du livre de l’australienne Gail Tredwell a provoqué une onde de choc parmi les nombreux défenseurs de Mata Amritanandamayi, plus connue sous le nom d’Amma. 15 ans après être sortie de l’ashram de Kerala (dans le sud de l’Inde), l’ancienne adepte décrit ce qu’elle y a vu et vécu durant une vingtaine d’années. Elle évoque notamment des violences physiques, des détournements de fonds et des abus sexuels. Les dévots réfutent ces accusations et s’organisent pour décrédibiliser Gail Tredwell.
Il a fallu de nombreuses années de repos, une bonne nutrition et le soutien d’amis pour que Gail Tredwell puisse prendre suffisamment de recul sur les vingt années passées au plus près d’Amma afin de délivrer son témoignage. Dans un très mauvais état physique, elle a dû mener de longs combats avec elle-même et lutter contre ses propres tergiversations pour sortir physiquement et mentalement de l’ashram. Après s’être partiellement reconstruite, il lui a fallu quatre ans pour écrire son livre car elle a dû trouver la force d’affronter le « châtiment » des dévots qui, elle le savait, suivrait inévitablement ses révélations. Elle savait également qu’elle devait retranscrire son histoire avec une conscience libre du sentiment de colère ou de vengeance.
Les accusations de Gail Tredwell portent sur la destination des dons que le mouvement reçoit. Elle raconte que certains ont été donnés à la famille d’Amma. Elle se souvient également qu’un ancien responsable des comptes de l’ashram avait exagéré le nombre d’actions et leur coût. Elle affirme que des rapports ont révélé que d’importantes sommes d’argent sont placées sur des comptes à l’étranger au lieu de servir aux œuvres caritatives. Elle dénonce également le fait que, dans les hôpitaux d’Amma, des politiciens et des hauts fonctionnaires bénéficient davantage des soins médicaux gratuits que les pauvres.
Gail Tredwell s’étonne que le gouvernement et les médias n’approfondissent pas ces questions et ne regardent pas non plus comment Amma utilise des dons pour créer la richesse personnelle de sa famille. Alors que le mouvement était suspecté de faire de la contrebande d’or, les pouvoirs publics n’ont pas diligenté d’enquête. L’auteur a eu par ailleurs connaissance de nombreux témoignages faisant état des violences physiques et morales perpétrées par Amma ainsi que d’éléments en totale contradiction avec son image publique de femme « cajolante » et « pure ». Gail se souvient par exemple du jour où elle a découvert qu’Amma mentait au sujet de ses menstruations. Elle prétendait être « pure » et racontait que ses règles avaient cessé dès le début des manifestations divines. Vivant dans l’intimité d’Amma, Gayatri (nom d’adepte de Gail) constata le contraire. D’abord choquée, elle admet que cette découverte n’avait pas affecté sa foi. Au contraire, elle eut le sentiment de détenir un secret et fit de son mieux pour le garder. D’ailleurs, elle le considérait bien comme un secret et non comme un mensonge. Plusieurs femmes pourraient corroborer ce fait.
Les réactions des dévots d’Amma n’ont pas tardé. Pour anéantir sa crédibilité, nombres de fausses accusations ont circulé sur Internet. Gail Tredwell est soupçonnée, entre autres, d’avoir tenté de tuer Amma. Ce qu’elle nie expliquant qu’à l’époque des prétendus faits elle vouait une adoration sans faille à sa guide spirituelle.
Alors qu’aujourd’hui, beaucoup de personnes possèdent des informations, elles sont terrifiées à l’idée de se manifester. Selon des sources policières, trois jeunes ont saccagé les bureaux de la maison d’édition de Gail Tredwell, déchiré des livres, menacé les salariés et jeté des pierres au domicile de son responsable. Derrière eux, ils ont laissé un message menaçant selon lequel l’éditeur devait renoncer à la campagne malveillante contre Mata Amritanandamayi.
Parallèlement, une pétition a été déposée au tribunal de Kochi à l’encontre de plusieurs médias. Il leur est reproché d’avoir relayé les allégations de Gail Tredwell au sujet de Mata Amritanandaymayi sans avoir vérifié les faits mentionnés et dans l’intention de nuire à la communauté et à leurs croyances religieuses. La pétition réclame d’autre part qu’une enquête soit ordonnée contre les personnes et les organisations incriminées.
Gail a elle-même reçu de nombreux mails de haine : une campagne d’intimidation incitée par l’ashram et destinée à la détruire. Amma a des dévots partout à travers le monde : certains sont de bonnes personnes mais d’autres sont de véritables fanatiques qui sont prêts à tout pour préserver l’image d’Amma. L’influence de l’organisation sur les forces de police du Kerala est immense : alors qu’elles ne font aucune enquête au sein de l’ashram malgré ces accusations, elles sont prêtes à enregistrer des plaintes contre ceux qui soutenaient le livre de l’ex-adepte sur Internet. Une telle attitude nuit à la liberté d’expression et incite à la violence et aux représailles à l’encontre des ex-adeptes qui pourraient à leur tour s’exprimer.
Sources : The Hindu, 05.03.2014 et 02.04.2014 & Tehelka Magazine, Jeemon Jacob, Volume 11 Numéro 10, 08.03.2014 & The Indian express, 02.04.2014