École anglicane sous l’influence d’une secte

En Ontario, le procureur de la Couronne vient de classer sans suite un dossier s’appuyant sur les témoignages d’anciens élèves du collège chrétien de Grenville (Ontario). De 1973 à 1997, ils ont été les victimes de nombreux abus sexuels, physiques, mentaux, émotionnels et spirituels. Ils disent être encore hantés par les traumatismes subis au sein de cette institution privée de renommée mondiale.

Des plaintes ont débouché sur une procédure judiciaire qui a duré de 2008 à 2014. Près de 182 élèves ont souhaité participé à un recours collectif. Certains ont décrit le régime strict, la discipline arbitraire et les pratiques religieuses douteuses appliqués par les enseignants. Leur vie au sein de l’établissement était dominée par la peur, l’humiliation et parfois la violence.

L’un d’eux, Dan Michielsen, a déclaré être sorti de ses quatre années passées au sein du collège dans un état « d’épave ». Deux semaines après son arrivée à Grenville, un membre du personnel l’a réveillé avec des coups de poing et l’a humilié en l’insultant et en lui urinant dessus. Un autre, Andrew Hale-Byrne, a raconté avoir été agressé physiquement, privé de sommeil et contraint à subir un exorcisme pour « soigner » sa dyslexie.

Aujourd’hui, nombre d’entre eux souffrent de problème d’estime de soi. Ils ont quitté le collège persuadés qu’ils étaient condamnés à l’enfer et méritaient ce qu’ils avaient vécu. Lors de l’instruction, un lien a été établi entre le collège de Grenville et une secte religieuse fondée dans le Massachusetts dans les années soixante-dix, la communauté de Jésus. Charles Farnsworth et J. Alastair Haig, co-fondateurs de Grenville, en étaient membres mais avaient été également ordonnés prêtres anglicans en 1977. En effet, alors que l’école se présentait comme offrant un enseignement anglican, le personnel du collège menait une « campagne systématique de promotion et d’endoctrinement pour la Communauté de Jésus ». En 1987, d’anciens membres de cette communauté ont confié au Boston Magazine qu’ils avaient subi des actes de violence physique et psychologique.

Joan Childs, ancien professeur et administrateur à Grenville durant 32 ans, a expliqué que seule la technique « session de lumière » avait été empruntée à la communauté de Jésus. Les anciens élèves décrivent cette pratique comme un rituel d’humiliation durant lequel ils étaient contraints à confesser leurs péchés, réels ou imaginaires. Ces séances se déroulaient le jour ou la nuit, en groupe ou en individuel, devant des enseignants qui utilisaient la violence verbale ou physique pour les faire parler. Les filles étaient traitées de prostituées. La seule façon d’y mettre fin était de pleurer et d’avouer des « péchés » qui n’avaient pas été commis.

Durant toute l’instruction, la défense des dirigeants de l’école a choisi de nier les allégations. Elle s’appuie sur la réputation de l’école, sur les témoignages d’anciens élèves satisfaits, comme celui du fils de Charles Farnsworth, sur ses résultats et sur la qualité de la vie parascolaire. Elle nie également que l’école ait promu les croyances de la communauté de Jésus aux étudiants.
Les deux responsables étant morts, la police provinciale de l’Ontario qui a travaillé sur cette affaire a décidé avec le procureur de la Couronne de classer le dossier sans suite.

(Source : The Star, 29.02.2016)