Débat autour du statut des Témoins de Jéhovah

Commission d’enquête parlementaire relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs

Vif échange au sujet des Témoins de Jehovah à la commission parlementaire sur les sectes, Dépêche AFP, 17.10.2006. Au cours de l’audition de M. Didier Leschi, chef du bureau central des cultes au Ministère de l’Intérieur qui s’est déroulée le 17 octobre dernier, la notion de « trouble à l’ordre public » à l’encontre des Témoins de Jéhovah, a donné lieu à « un vif échange ».

M. Leschi a expliqué que ses services accordaient « systématiquement le bénéfice des dispositions [fiscales] prévues pour les associations cultuelles aux associations des Témoins de Jéhovah en abandonnant l’argument selon lequel leur doctrine était constitutive d’un trouble à l’ordre public ». Des membres de la Commission ont fait part de leur stupéfaction à cet énoncé, tandis que d’autres insistaient sur la souffrance des enfants Témoins de Jéhovah. M. Leschi a alors répondu qu’il n’avait pas connaissance ni de plaintes, ni de condamnations et que « le défenseur des enfants n’avait saisi la justice d’aucun cas de maltraitance ».

Accusé d’être trop libéral vis-à-vis des courants évangéliques, Didier Leschi s’explique, La Croix, 26.10.2006
Dans une interview à La Croix, Didier Leschi, chef du bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur, déclare que « la Cour européenne des droits de l’homme a plusieurs fois indiqué que la liste du rapport parlementaire de 1995 n’avait aucune valeur juridique. Un avis confirmé par les tribunaux administratifs ». Pour M. Leschi : « être évangélique, ne signifie pas être membre d’une secte ! », puis il enchaîne : « Les Témoins de Jéhovah […] sont un courant cultuel… Il existe un droit à éduquer ses enfants suivant les valeurs propres à l’environnement familial. Il n’y a donc pas de raison de considérer cela comme une dérive sectaire tant que le développement de l’enfant n’est pas affecté ». Il affirme enfin : « la dérive sectaire qui nous préoccupe le plus concerne aujourd’hui l’islam salafiste dont certaines branches peuvent encourager des jeunes au suicide meurtrier, en bombe humaine ». Rien à voir avec un Témoin de Jéhovah qui, par convention testamentaire, lègue à ce mouvement son appartement à sa mort ».

Georges Fenech, président de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les mineurs : « Il serait dangereux de reconnaître les Témoins de Jéhovah comme un culte, Libération, Julie Lasterade, 01.11.2006
Les Témoins de Jéhovah visent à être reconnus comme un culte. Ainsi ils n’auraient plus à s’acquitter des 45 millions d’euros qu’ils doivent au fisc. Georges Fenech se déclare donc surpris de la suggestion de Didier Leschi de « reconnaître les Témoins de Jéhovah comme un culte » car, rappelle-t-il, certaines de leurs pratiques sont contraires aux lois républicaines et peuvent constituer un trouble à l’ordre public. De plus, « au regard des auditions effectuées par la commission, il existe chez les Témoins de Jéhovah une sorte de maltraitance psychologique des enfants. Ils sont élevés dans la crainte de l’Apocalypse ; ils sont interdits d’anniversaire ; les adultes n’ont pas le droit d’aller voter. C’est une sorte d’isolement social. »

M. de Clermont : « la commission sur les sectes risque de créer des troubles », Le Monde, Xavier Ternisien, 27.10.2006
Au cours d’une interview, le président de la Fédération Protestante de France, M. de Clermont, déclare « que le rappel de la loi par le chef du bureau des cultes, Didier Leschi, était d’autant plus nécessaire qu’on assiste à une véritable focalisation de la commission d’enquête parlementaire contre les Témoins de Jéhovah et contre les protestants évangéliques ». M. de Clermont dit avoir vu un questionnaire diffusé par le directeur de l’Agence Régionale d’Hospitalisation de la région PACA, invitant les directions des hôpitaux à recenser les « dérives » imputables aux Témoins de Jéhovah, au monde protestant et au monde musulman.
Concernant les Témoins de Jéhovah, M. de Clermont pense qu’il s’agit d’un « culte légitime », acté par des décisions de justice. Quand il les jauge « du point de vue de l’ordre public », M. de Clermont reconnaît que deux questions les ont mis en difficulté : leur refus du service militaire et leur rejet de la transfusion sanguine pour lequel leur argumentation biblique ne tient pas la route. Elle est « même dangereuse ». Par contre, du point de vue législatif, M. de Clermont considère que le problème des transfusions est… réglé !

Communiqué de presse de Georges Fenech et de Philippe Vuilque, président et rapporteur de la Commission d’enquête parlementaire relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, 27.10.2006
La Commission d’enquête parlementaire « s’étonne de l’ingérence manifeste du Pasteur Jean-Arnold de Clermont dans le déroulement de travaux parlementaires »… En outre, la Commission s’étonne « qu’interrogé par le journal Le Monde dans son édition du 27 octobre, le Pasteur Jean-Arnold de Clermont attribue de manière erronée à la commission un questionnaire adressé par l’Agence Régionale d’Hospitalisation de la région PACA aux directeurs d’hôpitaux et qui résulte en réalité de l’initiative personnelle de Monsieur Leschi »…

La polémique sur le statut des Témoins de Jéhovah est relancée, La Croix, Marianne Gomez, 20.12.2006
Pour la commission parlementaire, les Témoins de Jéhovah sont « une secte de nature à troubler l’ordre public » et à ce titre, ils ne peuvent prétendre au statut d’association cultuelle. Les deux critères permettant d’accorder ce statut sont l’exercice exclusif d’un culte et l’absence de trouble à l’ordre public. Or, les Témoins de Jéhovah continuent de s’opposer à la transfusion sanguine, ce qui, pour la commission, relève d’un trouble à l’ordre public. Elle fait référence à une lettre du 24 novembre dernier, signée par le ministre de la santé, Xavier Bertrand : « le refus de la transfusion est à l’origine, selon la MIVILUDES, de plusieurs décès. De tels faits me semblent être de nature à justifier le refus de reconnaissance de ce mouvement comme association cultuelle ». La commission a rappelé qu’en 1985, le Conseil d’Etat avait décrété que les Témoins de Jéhovah n’avaient « pas le caractère d’une association cultuelle ». Critique, la commission a conclu à « une négligence » des pouvoirs publics. De son côté, Jean-Pierre Brard a « accusé » le chef du bureau des cultes du Ministère de l’Intérieur de « connivence avec les TJ ». Ce dernier avait déclaré que « la stigmatisation » dont les Témoins de Jéhovah font l’objet constituent des « manifestations d’intolérance » à l’égard de « la liberté de conscience ».