Le 2 février 2012, les deux principales structures françaises de la Scientologie ont été condamnées à une amende de 600.000 euros pour « escroquerie en bande organisée » par la cour d’appel de Paris.
Ce jugement confirme la première instance du 27 octobre 2009. Ainsi les amendes infligées au Celebrity Centre et à la librairie Scientologie Espace Liberté (SEL) respectivement de 400.000 et 200.000 euros, sont identiques à celles prononcées lors du premier procès.
En outre, cinq scientologues auxquels la justice reproche d’avoir profité de la vulnérabilité d’anciens adeptes pour leur soutirer de fortes sommes d’argent ont également été condamnés. Leurs peines vont de 10.000 euros d’amende à deux ans de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende.
L’arrêt devra être publié dans cinq grands quotidiens
Pour Me Olivier Morice, avocat de l’UNADFI dont la constitution de partie civile a été jugée irrecevable par le tribunal, il s’agit « d’une décision historique » car « c’est la première fois en France que la Scientologie est condamnée en tant que personne morale pour escroquerie en bande organisée ».
_ En effet, pour la première fois, « la justice française écrit dans un arrêt que les activités scientologues sont en elles-mêmes une entreprise d’escroquerie ».
_ Il ajoute que ce jugement était attendu « par de nombreux pays qui luttent contre les dérives sectaires », citant l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, l’Australie et les Etats-Unis.
A l’extérieur de la salle, trois personnes se présentant comme des membres des Anonymous ont salué cette décision. « La France est le berceau de la laïcité. C’est une décision historique » s’est félicité l’un d’entre eux.
De leur côté, plusieurs dizaines de scientologues manifestaient devant le palais de justice de Paris pour protester contre les condamnations, brandissant des pancartes proclamant « j’ai droit à ma religion », « Non à un procès en hérésie » et « Non à une justice sous influence ».
La Scientologie a annoncé qu’elle se pourvoyait « immédiatement » en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. L’un de ses avocats, Me Michel de Guillenchmidt, a assuré que, si l’organisation française n’obtenait pas gain de cause en cassation, elle était prête à aller devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Rappel des faits
A l’ouverture du procès en appel le 3 novembre 2011, la défense avait cherché à obtenir un renvoi des débats en soulevant une quinzaine points de procédure dont une dizaine de questions prioritaires de constitutionnalité. Tous ces « arguments » avaient été rejetés par la cour d’appel. Finalement, le procès avait été écourté en raison du départ des cinq prévenus et de leurs avocats. Dans un communiqué, le Celebrity Centre justifiait ce départ par « de nombreuses violations des droits de la défense » et par son « doute sur l’indépendance de la justice ressenti tout au long de ce procès, suite à une forte ingérence du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire » L’avocat général, Hugues Woirhaye, avait vu dans cette attitude une « stratégie d’esquive », « un choix délibéré de se maintenir dans une posture de déni systématique » et il avait requis des peines d’amende et de prison avec sursis alourdies à l’encontre de la majorité des prévenus.]].
La Cour d’appel, présidée par Claudine Forkel, avait maintenu la présence de l’UNADFI en tant que partie civile dans la salle d’audience. Une partie civile défendue par Me Morice et qui a une nouvelle fois été rejetée au fond au moment du jugement du 2 février 2012, « après avoir tenu la barre avec l’Ordre des pharmaciens durant tout le procès ». Entendue comme témoin, la présidente de l’UNADFI, Catherine Picard, avait ainsi pu décrire « l’endettement très fort, la rupture des liens familiaux » et « l’état de sujétion » pouvant résulter des « méthodes sectaires » employées par la Scientologie pour endoctriner des « personnes vulnérables ».
|Dans son arrêt, la Cour a estimé que les tests de personnalité proposés aux victimes pour les attirer « ne présentent aucune valeur scientifique ». Les prestations proposées à la suite de leurs tests interprétés par la Scientologie comme « extrêmement négatifs », s’inscrivaient dans « un objectif uniquement financier » et les sommes qui leur étaient demandées dans des délais très courts, étaient « sans commune mesure » avec les ressources des personnes concernées. Les trois « victimes » retenues par la cour, malgré leur désistement, avaient respectivement déboursé 21.000, 150.000 et 50.000 euros pour acquérir des cours, des livres, des vitamines et le « fameux » électromètre servant à « mesurer les variations de l’état mental »… L’enquête avait établi que la Scientologie parisienne avait réalisé un chiffre d’affaires de 2,6 millions d’euros en 1999 ! »
_ Source : Paris Normandie, 02.02.2012 & Sud-Ouest, Dominique de Laage, 03.02.2012|
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_ Il est l’auteur de « Scientologie : autopsie d’une secte d’Etat », Robert Laffont, 2010.
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Communiqué de Jean-Pierre Brard
Communiqué de Philippe Vuilque
Source : Le Monde / Reuters / AFP, 02.02.2012 & www.lextimes.fr, Emile Gougache, 02.02.2012 & Paris Normandie, 02.02.2012 & Europe 1 /AFP, 02.02.2012 & L’Express, 02.02.2012