Elles invoquent des énergies, vendent des potions en ligne et cumulent des millions de vues sur TikTok. Les sorcières 2.0 connaissent un essor fulgurant au Québec. Sous le mot-clé #witchtok, visionné des milliards de fois, se cache une véritable industrie où l’ésotérisme se monétise à grande échelle.
À Terrebonne, Annie Bernard, 45 ans, propriétaire de Re-Up Créations, incarne cette vague mystique modernisée. Sorcière autoproclamée, elle vend des articles ésotériques allant jusqu’à 100 dollars, ce qui lui permet de générer un chiffre d’affaires de plus de 30 000 dollars par an. « Je ne peux pas guérir un cancer », souligne-t-elle, « mais je peux aider à soulager l’angoisse et la douleur ».
Cette explosion de contenus inquiète les autorités. Santé Canada met en garde : « les conseils santé de ces praticiennes ne remplacent en aucun cas ceux d’un professionnel ».
Le phénomène dépasse les réseaux sociaux. Sur Etsy, des kits pour « démarrer sa carrière de sorcière » s’arrachent et les marchés comme le Maleficarum à Montréal enregistrent des ventes record. « Aujourd’hui, les exposants font jusqu’à 3000 dollars de chiffre d’affaires », affirme sa fondatrice, Astrid Apissoghomian.
Cette nouvelle spiritualité séduit une génération en quête de sens. Marie-Ève Forget, 36 ans, y trouve une réponse personnelle : « Ça me fait du bien. Je peux y mettre mes intentions et ma gratitude ».
Pour les anthropologues, cette montée en puissance de la sorcellerie contemporaine traduit un besoin spirituel non comblé. « La désaffection des grandes religions laisse un vide », note Nicolas Boissière, de l’Université de Montréal. Lionel Obadia, en France, observe de son côté une « esthétique sorcière » devenue tendance, portée par des femmes jeunes, connectées et très suivies.
Même les universités s’en emparent. A Ottawa, le cours sur la sorcellerie figure parmi les plus prisés avec plus de 10 000 étudiants inscrits.
(Source : Le Journal de Montréal, 25.05.2025)
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