Le boom discret du nettoyage énergétique 

Face à une époque saturée de technologie et d’ultra-consommation, un vent d’ésotérisme souffle sur l’immobilier. De plus en plus de propriétaires « purifient » leurs intérieurs et traquent les « mauvaises ondes » à coups de rituels ésotériques.

Selon le Financial Times, le marché mondial de la « guérison du corps, de l’esprit et de l’énergie » a atteint 78,5 milliards de dollars en 2023, avec une croissance annuelle estimée à 26 %. 

Violette Serrat, directrice artistique chez Guerlain, fait partie des adeptes convaincus. Pour « alléger » l’atmosphère de sa ferme du Connecticut laissée à l’abandon, elle a fait appel à Amaryllis Fraser, ex-mannequin devenue « nettoyeuse d’énergie » très courtisée. Surnommée la posh psychic par la presse britannique, elle compte parmi ses clients des célébrités, des aristocrates et des financiers londoniens. « L’énergie négative persiste, elle se sent », affirme-t-elle. Elle se définit comme une « femme de ménage de standing ». La duchesse de Rutland, propriétaire du château de Belvoir, a, elle aussi, sollicité ses services pour « dompter l’épaisseur historique des lieux ».

Ces pratiques ne se limitent pas aux vieilles bâtisses : certains font appel aux « house healers » avant même la construction. Le géobiologue Richard Craightmore, par exemple, plante de longues aiguilles de bois dans le sol pour y équilibrer les « méridiens terrestres ». L’engouement est tel que certains professionnels de l’immobilier changent de voie. Adrian Incledon-Webber, ex-agent dans le Surrey, est devenu « guérisseur de maisons » après avoir observé que « certaines demeures semblaient maudites ». Selon Harry Gladwin, conseiller immobilier dans les Cotswolds, « ce qui se murmurait autrefois à voix basse devient aujourd’hui un secret de polichinelle, notamment chez les jeunes acheteurs de biens anciens ».

« Un besoin d’âme dans un monde sans repères »

Parmi les méthodes les plus populaires figure le « sage smudging » ou fumigation de sauge. Héritée de traditions indigènes, cette pratique, remise au goût du jour par les tendances WitchTok et witchcraft, soulève néanmoins des débats quant à la surexploitation du Palo Santo et la marchandisation de rites ancestraux.

Pour la neuroscientifique Tara Swart, il s’agit d’un phénomène miroir à celui du XIXe siècle, quand l’industrialisation avait éveillé un vif intérêt pour l’occulte. « Les gens se sentent déconnectés, perdus. Ils cherchent des réponses ». La psychologue Vanessa Ruspoli, elle, y voit une forme d’auto-narration réconfortante : « Si vous croyez que le rituel guérit, il vous apaise ». Finalement, entre les archives notariales et les baguettes de sourcier, la quête resterait la même : comprendre l’âme de sa maison. À l’heure où l’intelligence artificielle redessine nos intérieurs et où la déco s’emballe en mode jetable, ces pratiques ésotériques « souffleraient un besoin d’ancrage, de réconcilier passé et futur, mémoire et énergie ». 

(Source : L’ADN, 06.06.2025)

  • Auteur : Unadfi