
Pat McMonigle pensait consacrer sa carrière à combattre les terroristes islamistes ou nationalistes connus du FBI. Après vingt ans de service, dont des missions de guerre et des négociations d’otages, il ne s’attendait pas à être aussi bouleversé par une enquête en ligne : celle de la secte numérique baptisée 764, un groupe néonazi et nihiliste qui pousse des adolescents à l’autodestruction.
Derrière ses écrans, Pat McMonigle a découvert un univers où la haine se mêle au sadisme. En 2022, son enquête démarre avec le suicide filmé d’un garçon de 13 ans, manipulé par un leader du groupe 764. L’agent est contraint de visionner et revisionner des vidéos d’automutilations d’enfants. L’expérience lui laisse un syndrome de stress post-traumatique irréversible qui le conduira à quitter le FBI.
« L’organisation 764 promeut une idéologie mêlant darwinisme social perverti, antisémitisme et culte du suicide » explique-t-il. « Ses membres ciblent les jeunes fragiles sur des forums liés à la santé mentale avant de les entraîner dans des cercles plus fermés. Leurs tactiques consistent à forcer les victimes à s’humilier, se blesser ou se tuer… La cruauté est un rite de recrutement ».
Cet été, la police allemande a arrêté l’un des chefs présumés du réseau, surnommé « Tigre blanc », un Hambourgeois de 20 ans inculpé de 123 chefs d’accusation, dont le meurtre du garçon de treize ans. Une victoire judiciaire pour Pat McMonigle, mais qui n’efface pas les séquelles laissées par son enquête. « La menace, elle, ne cesse de grandir », prévient-il.
Le FBI et le département de la Justice ont créé une nouvelle catégorie criminelle appelée les « extrémistes violents nihilistes » (NVE). Deux leaders de 764 ont été arrêtés au printemps, mais plus de 250 enquêtes sont en cours.
Pour Pat McMonigle, ces groupes exploitent une « crise de sens » chez les jeunes, amplifiée par les réseaux sociaux, l’isolement et des angoisses existentielles comme le climat ou l’IA. « Leur mode opératoire reflète la banalisation de la violence en ligne. Pour Tigre blanc, les victimes n’étaient que des points dans un jeu vidéo », résume l’ex-agent.
Il en appelle aujourd’hui à une prise de conscience collective, notamment des parents, face à la puissance de ces communautés toxiques. « Lorsque j’ai rejoint le FBI, je m’attendais à affronter des terroristes. Mais ces anonymes en ligne sont bien pires ».
(Source : The Free Press, 29.08.2025)