Scientologie : la dissolution perdue

Le lundi 14 septembre 2009, la MIVILUDES annonce qu’une modification d’une loi votée le 12 mai et promulguée le 13 mai 2009, ne permet plus à un magistrat de dissoudre les personnes morales condamnées pour escroquerie. « Intervenue sans débat », cette modification législative rend donc impossible la dissolution de deux structures de la Scientologie réclamée par le Parquet à l’issue du retentissant procès de juin 2009. Cette nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre et suscité nombre de réactions de la part de femmes et d’hommes politiques dont de nombreux députés. Elle a donné lieu à de très nombreux articles et à une kyrielle d’émissions ou d’interventions dans les médias (presse écrite et audiovisuel) ainsi que sur internet.


Des réactions en chaîne

L’avocat des parties civiles au procès contre la Scientologie, Me Olivier Morice, après un courrier à la Garde des Sceaux, a adressé une lettre le 16 septembre 2009 au président de la République lui demandant d’intervenir.

Quant à la Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, elle a rapidement reconnu « une erreur matérielle » et promis qu’elle déposerait, à l’occasion du prochain texte pénal, une mesure permettant effectivement « de dissoudre notamment des associations, des groupes ou des sectes qui auraient procédé à des escroqueries ».

Pour sa part, le président de la commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, à l’origine du texte législatif litigieux, a mis en avant que personne n’avait émis d’objections au cours des dix mois de travail parlementaire concernant cette loi dite « de simplification du droit ». Concernant le procès contre la Scientologie, le député met en cause le parquet de Paris qui n’aurait pas, selon lui, vérifié que ses réquisitions de dissolution étaient toujours valides. Cette déclaration a « profondément choqué les deux magistrats ayant travaillé le lourd dossier d’instruction ». En effet, aucune circulaire émise par la Chancellerie n’avait alerté les procureurs. D’autre part, la nouvelle loi, qui comporte 140 articles est difficilement compréhensible, même pour un juriste averti.

La modification se situe à l’article 124 qui « comporte lui-même 53 alinéas très hermétiques ». Restent les questions posées, notamment par Georges Fenech, sur le déroulement des faits : la loi a été promulguée le 13 mai 2009, après dix mois de travaux parlementaires.

Dès le 14 mai 2009, la presse soulignait « que la Scientologie poursuivie pour escroquerie pourrait être dissoute par le tribunal ».

Enfin, le 15 juin 2009, des réquisitions de dissolution étaient prononcées et très médiatisées. Pourquoi Jean-Luc Warsmann n’a-t-il pas alors signalé l’« erreur » au parquet de Paris ? A cette interrogation, ce dernier répond qu’il avait « bien repéré que la dissolution avait été requise pour la Scientologie » mais il ne savait pas que… « c’était sur le fondement de l’escroquerie » ! Quant au syndicat de la Magistrature, il se demande s’il s’agit de la poursuite du processus de dépénalisation rampante du droit des affaires » ou d’une victoire d’un lobbying efficace de la Scientologie ?

Dans un communiqué de presse daté du 15 septembre 2009, il remarque que cette suppression est intervenue à la veille du procès contre la Scientologie et il ne peut que constater que la complexité du parcours législatif de cette disposition a permis de la faire adopter sans débat.

De son côté, l’Union syndicale des magistrats demande au gouvernement « de faire toute la lumière sur ce qui pourrait bien être un scandale d’Etat ». Enfin, lors d’une interview à France Info, Catherine Picard, présidente de l’UNADFI, fait part de son extrême surprise et « trouve que depuis deux ans, il y a beaucoup de coïncidences concernant la Scientologie ». (Voir le communiqué de presse)…