Aimé Cizeron est le fondateur de la Mission Salut et Guérison sur l’île de la Réunion. Il y est arrivé le 3 juin 1966 ayant par le passé œuvrer à l’évangélisation de tous les quartiers de Manosque (13) pour le compte des Assemblées de Dieu.
Son langage est militaire pour décrire la conquête du Nord, la percée vers le Sud, le ceinturage de la Réunion et la conquête de Maurice. Sur l’île Maurice, son charisme était si impressionnant lorsqu’il récitait « des prières miracles », qu’il y a été interdit de séjour durant neuf ans. En plus, le pasteur sait qu’il peut s’appuyer sur les soutiens de sympathisants dans la gendarmerie, parmi les anciens combattants mais aussi de la part du Maire de Saint-André. Dans son livre, Aimé Cizeron explique comment ce maire le soutenait : « cet homme expliqua à tous ses adjoints comment il était venu à la mission et que ce qu’il avait entendu était digne d’être écouté ».
Après la conquête du territoire, l’occupation du terrain. Aujourd’hui, la Mission c’est 45 lieux de culte, 15 000 membres, une station de radio (Radio Vie) émettant 24h sur 24 depuis 1991 et un site internet(1). Elle emploie une quarantaine de pasteurs et une dizaine de personnes pour les tâches administratives. Elle organise de grands rassemblements dans un stade olympique où elle procède à 400 nouveaux baptêmes chaque année.
En 2000, la Mission a fait évoluer ses statuts pour s’adapter au cadre législatif : les Assemblées de Dieu sont réunies au sein de la Fédération des actions missionnaires de la Réunion (FAMR) ; elle a séparé ses activités culturelles (colonies de vacances, aumônerie des étudiants, Radio Vie…) de ses activités cultuelles (formation des ministres des cultes, aménagement des lieux de culte).
En prenant le nom de Mission Salut et Guérison, les fondateurs ont réussi à cibler ce qui pouvait toucher le plus les futurs disciples : le Salut pour être sauver de la fin du monde qui va de plus en plus mal et la Guérison qui touche le plus grand nombre. À en croire les écrits d’Aimé Cizeron, il aurait guéri des centaines de personnes, « tout juste s’il n’a pas ressuscité des morts ». Sur leur site Internet, des témoignages récents attestent que d’autres guérisons ont encore lieu aujourd’hui. (Lire ci-dessous)
Interrogé sur le témoignage d’une personne qui prétend avoir été guéri du Sida, David Cizeron, actuel pasteur de la Mission Salut et Guérison, répond : « comment pouvez-vous ne pas le croire alors que cette personne vient avec les certificats médicaux du médecin avant et après ? (…) Dieu est puissant. C’est notre réputation qui est en jeu. Nous ne voulons pas passer pour des fous si ce n’est pas vrai ».
Les rassemblements hebdomadaires des Missions se terminent par des séances d’imposition des mains. La Mission prétend donc guérir. De manière plus insidieuse, la Mission prône une hygiène de vie parfaite, culpabilise le malade ou laisse entendre que des puissances sataniques sont à l’origine des problèmes de santé.
Pour Geneviève Payet, présidente de l’ARIV (Antenne Réunionnaise de l’Institut de Victimologie), affirmer que l’évangélisation est le seul remède à tous les maux conduit à l’enfermement : « l’espace de dialogue, plus encore celui du doute, sont plus que restreints, il ne semble pas y avoir d’autre alternative que celle d’adhérer ». Tous les ingrédients de potentielles dérives sont donc réunis dans les Assemblées de Dieu. L’ARIV a eu à soutenir « des personnes qui étaient entrées, au sein de la Mission, dans un système d’emprise dont il ne parvenaient pas à se sortir. Ce système les avaient privées de liberté et de conscience, parfois de dignité. » Geneviève Payet a enregistré des cas de maltraitances et d’agressions physiques et sexuelles. Elle a également noté que, dans la plupart des cas, les victimes n’avaient pas librement consenti à adhérer au mouvement : « de manière progressive et insidieuse, elles avaient accepté de se joindre à un système de croyance sans savoir si elles pourraient un jour s’en défaire ».
Certains ont également repéré dans leur discours une exclusion de toute autre forme de religion. Les convertis sont invités à couper tout lien avec leurs familles et à rejeter leur ancrage culturel. Lorsqu’elle est vécue de manière brutale, une telle rupture peut être qualifiée de sectaire et faire beaucoup de dégâts psychologiques et sociaux.
La Mission admet demander de l’argent à ses adeptes sous la forme d’une dîme correspondant à 10% des revenus. Bruno Raffi dit avoir recueilli le témoignage d’un ex-adepte affirmant qu’on lui avait demandé ses fiches de salaire et l’état de son patrimoine et que sa contribution avait pu dépasser les 10% de ses revenus.
La présidente de l’ARIV met en garde sur les méthodes d’embrigadement qui se déroule en plusieurs étapes. La première consiste à « poser la Mission comme principe et souffle de la transformation de l’homme. Dans un deuxième temps, la Mission devient un projet de vie. Puis, elle « s’impose à travers la puissance d’un système politique et ecclésiastique fortement structuré avec pour objectif de faire rayonner toujours et partout la splendeur de la vérité ».
(1) www.jesuslaporte.com
(Source : Le Quotidien de la Réunion, 11.03.2014)