Editorial

Personne ne choisit librement de perdre sa dignité, personne ne choisit volontairement de perdre sa liberté de penser… Mais il existe des « techniques propres à altérer le jugement » qui peuvent conduire un individu à l’assujettissement, à l’acceptation que toute sa vie soit régie par un tiers ou par une institution. Cette emprise mentale s’installe progressivement, chaque étape pouvant apparaître comme « librement consentie » : « C’est comme gravir un escalier dont les premières marches sont si peu élevées qu’on ne se rend pas compte qu’elles mènent à des marches de plus en plus hautes qui vous éloignent de plus en plus du sens commun », pour reprendre les propos de Gérald Bronner lors d’un récent colloque de la Miviludes.

Depuis qu’elles existent, nos associations suivent l’évolution du phénomène sectaire, tant dans l’organisation des « grandes sectes » en multinationales économiquement rentables et parfois politiquement reconnues, que dans le développement en réseau d’une myriade de petits groupes (parfois réduits à quelques dizaines de personnes). Quelle que soit leur taille, ces « États sectaires », comme les nomme Jean-Pierre Jougla, se caractérisent par un cumul des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire entre les seules mains du gourou. En faisant perdre à l’adepte sa dimension de citoyen, ce modèle sectaire atteint directement le lien social fondé sur l’État de droit.

Ce modèle régressif est porteur de graves abus de pouvoir sur les individus, sanctionnés par la justice française lors de plusieurs procès de l’année 2013.

Et ce même colloque de la Miviludes, en présence du ministre de l’Intérieur, souligne que les pouvoirs publics français sont conscients du risque sectaire tant pour les individus que pour la société.

Depuis 30 ans, Bulles s’attache à informer sur l’actualité et l’évolution du phénomène sectaire. Les articles de ce numéro, le cent vingtième, soulignent encore l’importance de la prévention : la perception des risques et la connaissance des méthodes sectaires sont indispensables à l’exercice d’une vigilance efficace.

Editorial

Ce nouveau numéro de Bulles s’ouvre sur un hommage à Mimi Lassere qui participa,
dès le début, à l’histoire des associations de victimes du phénomène sectaire.

L’évocation d’un parcours de près de quarante années d’accompagnement des victimes, de combat contre les atteintes aux libertés fondamentales, d’information et de prévention sur les « organisations à caractère sectaire » nous invite à jeter un regard sur l’évolution du paysage sectaire d’une part, les progrès dans la connaissance et la compréhension de l’emprise mentale d’autre part.

Aujourd’hui, le phénomène sectaire a considérablement évolué et les thèmes qui trouvent un écho auprès de potentiels adeptes ne relèvent plus seulement du religieux, ou du spirituel au sens large : les offres se sont multipliées en s’adaptant
aux demandes dans les domaines de la santé, du bien-être, du développement personnel ou de la formation professionnelle. Des petits groupes naissent et se développent, des réseaux se forment avant que l’on ait pu détecter les risques liés à l’emprise… qui, eux, n’ont pas changé : destruction des liens de la personne avec sa propre histoire, avec sa famille et ses proches, avec la vie sociale.

Parallèlement, la connaissance des mécanismes d’emprise s’est affinée, les pouvoirs
publics et les élus, en France et en Belgique en particulier, ont pris conscience de la nécessité de protéger tant les personnes que la société de ces atteintes aux droits de l’homme, tout en respectant les croyances. La loi About-Picard de juin 2001 a été une étape importante dans cette démarche ; enfin, une liste de dix critères, établie par le Professeur Parquet, psychiatre ayant une longue expérience du phénomène, permet de repérer l’emprise mentale en s’appuyant « sur des éléments observables par tous », et pouvant « être utilisée par les enquêteurs, experts et magistrats en assurant une cohérence »[1].

Le lecteur trouvera dans ce numéro la liste de ces critères, dont cinq doivent être retrouvés pour porter le diagnostic d’emprise mentale et, dès lors, exercer une vigilance accrue.

[1] L’emprise mentale – Une définition opératoire, Philippe-Jean Parquet, Justice actualités numéro 8/2013, École Nationale de la Magistrature

La Scientologie en Belgique

Lobbying

En achetant en 2003 le bâtiment situé au 91 rue de la Loi à Bruxelles, la Scientologie a voulu se donner le visage d’une organisation «caritative », et c’est sur trois étages qu’elle a installé son «Bureau Européen des Relations Publiques et des Droits de l’Homme», transférant ainsi son centre de Copenhague à Bruxelles. Seulement trois ans après, elle vient d’acheter d’autres bâtiments au 100, 101, 102 et 103 boulevard de Waterloo ! 7.000 m2 situés entre le Service public fédéral de Justice et le Palais de Justice. L’inauguration «en grande pompe » devrait se dérouler au mois d’octobre prochain. Cette implantation n’est que le premier acte pour tenter d’infiltrer les institutions européennes et elle essaie actuellement « de programmer une conférence sur les Droits de l’Homme» au Parlement européen qui demeure sa « cible suprême ». Les scientologues se doivent en effet « d’éduquer» la Commission et le Parlement Européen pour les « rallier à leur cause » et « en prendre le contrôle pour sauver la planète » !

Le deuxième acte des dirigeants scientologues vise à « créer dix missions et quinze groupes autour de la grande Eglise de Bruxelles » mais pour cette ambitieuse tâche, elle doit recruter de nouveaux adeptes. Et pour cause : en Belgique, le nombre des membres actifs ne se monterait qu’à 200! Des délégations étaient donc venues en renfort de Belgique, de France, d’Allemagne, de Hollande, du Luxembourg et de Suisse pour assister à une conférence de cadres européens de la secte et…pour s’entendre dire qu’ils étaient entrés « en guerre ». (…)

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