Canada / Les enfants isolés dans la société

Lorraine Derocher, docteure en études du religieux contemporain et chargée de cours à la Faculté de théologie et d’études religieuses, a centré sa thèse(1) sur l’isolement des enfants dans les groupes sectaires. « Dans à peu près tous les groupes sectaires, peu importe la croyance, il y a un dénominateur commun, les enfants sont isolés du monde ». Dans le cadre de ses recherches, elle a dénombré plus de 1.000 cas d’enfants ayant grandi au sein de groupes sectaires ayant fait l’objet d’interventions depuis les 50 dernières années.
 

De nombreux exemples illustrent les conséquences de l’isolement social. Il peut être un frein au développement de l’enfant et constitue un mauvais traitement psychologique. Ces enfants subissent souvent des abus. Ils sont privés d’école, de nourriture ou d’hygiène. On leur demande de travailler comme des adultes. Ils peuvent être violentés ou subir des sévices sexuels. La chercheuse a découvert que cette maltraitance généralisée est « parfois justifiée par le discours religieux ». Pour guider les travailleurs sociaux, Lorraine Derocher a déterminé trois indicateurs d’isolement social : l’enfant va-t-il à l’école à l’extérieur ? A-t-il le droit de voir ses grands-parents, sa famille ou ses voisins à l’extérieur ? Est-ce qu’on lui permet des visites chez le médecin ?
 

Elle explique que « le niveau d’isolement peut indiquer le niveau de dangerosité de la secte. Plus un groupe est fermé à la société, plus son niveau de dangerosité risque d’être grand ». 
Pour éviter de nouvelles tragédies telles que celles vécues à Jonestown en 1978 ou à Waco, en 1993, Lorraine Derocher a élaboré un modèle d’intervention dont les acteurs sociaux pourraient s’inspirer. Elle prône l’approche douce : « C’est surprenant comme certains parents peuvent collaborer ».
 

Pour Lorraine Derocher, une secte ne se résume pas à un groupe de gens manipulés par un gourou, « les membres sont prisonniers d’un engrenage psychologique », sous l’emprise de chefs « parfois atteints de maladies mentales ou de troubles de la personnalité ». Lorraine Derocher indique que ces enfants, devenus adultes et sortis du groupe, sont certes marqués à vie mais ne deviennent pas des loques humaines pour autant, « ils savent se relever devant l’épreuve. Ils se regroupent et s’entraident ». Ils doivent relever le défi de s’intégrer dans la société. Lorraine Derocher souhaite créer une organisation pour les aider dans cette démarche.
 

Pour la chercheuse, une secte est un groupe en rupture avec « les valeurs dominantes de la société. À un moment donné, ses membres peuvent déraper. Certains peuvent aller jusqu’à complètement délégitimer le droit, le gouvernement. »
 

(Source : Université de Sherbrooke, Sarah Saïdi, 25.06.2014)
 

(1) Vivre son enfance au sein d’une secte religieuse. Comprendre pour mieux intervenir. Lorraine Derocher, Presses de l’Université du Québec, Avril 2008 :https://www.unadfi.org/vivre-son-enfance-au-sein-d-une