La face cachée de l’Opus Dei

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Existe-t-il des opusiens heureux ? épanouis ? La question se pose mais on finit par en douter à la lecture de « La Face cachée de l’Opus Dei », l’ouvrage de Bruno Devos, demeuré une quinzaine d’années dans l’organisation, participant à son expansion en Pologne. L’auteur ajoute ainsi à la liste déjà importante de livres parus sur ce mouvement, un nouvel ouvrage, lucide et critique, qui justifie son titre en publiant des écrits du fondateur, Josémaria Escriva de Balaguer, demeurés jusqu’alors inconnus du public. Aujourd’hui, l’Opus Dei compte 8.800 membres, essentiellement laïcs, regroupés en cinq catégories. L’auteur appartenait à celle des « numéraires ».

C’est à 16 ans qu’il est recruté selon un processus bien rodé. Notons au passage que l’âge des « cibles » visées s’est abaissé avec le temps. Après les lycées et les collèges, l’effort de recrutement se porte dorénavant sur les écoles primaires et même sur les maternelles afin de transmettre « les valeurs » de l’organisation « sur des terrains vierges » ; et ce qui est transmis à ces enfants s’avère surtout être « un lot de phobies envers le monde extérieur, présenté comme païen et dangereux ».

Le prosélytisme demeure en effet une telle obsession que le recrutement s’effectue sans discernement ! Les nouvelles recrues ignorent encore que la vie dans les centres est exténuante et sans la moindre possibilité de se ressourcer. En une phrase, l’auteur juge même qu’il n’est pas possible de survivre dans l’Opus Dei. Et face aux difficultés rencontrées, la hiérarchie ne réagit pas, ne s’y intéressant que lorsque « l’on » devient un problème. A tel point que l’auteur, « à bout de forces », a dû chercher de l’aide à l’extérieur, ce qui, finalement, aura un impact bénéfique car cela lui permettra de comprendre que sa dépression et son mal-être étaient dus à son mode de vie frénétique et surtout, que la cause « directe » de ses difficultés émanait du cœur même du système imaginé et mis en place par le fondateur et par ses successeurs.

Bruno Devos décide alors de quitter l’organisation « pour sauver sa peau » mais il est « détruit ». Rentrer en contact avec d’anciens membres français et étrangers grâce à Internet lui permet alors d’analyser ce qu’il a vécu pendant quinze ans. Leurs témoignages, souvent pathétiques, lui font découvrir à quel point l’histoire de l’Opus Dei est déformée par « la propagande officielle » et combien ses méthodes s’apparentent « à celles déployées par les sectes ». En cause : un système fermé qui « écrase ses détracteurs au nom de Dieu ».

Le contrôle envers les membres s’exerce sur leur vie intérieure que dans leur vie professionnelle, sociale et familiale, régentant leur vie dans les moindres détails, décidant de leur manière de s’habiller, de se coiffer, de ce qu’ils peuvent regarder à la télévision, de ce qu’ils peuvent lire, acheter… jusqu’à leur manière de s’asseoir ! L’adepte se plie à ce cadre rigide et à ce canevas de comportements « obligatoires ». Puis « de manière progressive et insidieuse », il devient lui-même le gardien de ces valeurs.

L’obéissance, « aveugle et sans limites », devient un véritable réflexe « dont tout discernement doit être résolument absent ». Le devoir de se surveiller mutuellement va de soi, se concrétisant au travers de la « correction fraternelle », visant à obtenir le « comportement » adéquat. Employant des mots forts, l’auteur analyse le système de surveillance qui pèse sur les laïcs et les prêtres numéraires, les dépouillant de leur personnalité et leur interdisant de penser par eux-mêmes, les menant à l’aliénation et organisant une déviation de type « totalitaire ».

Les membres ignorent que la prélature détient « dans ses archives secrètes » un dossier à leur nom. Dès l’entrée dans l’organisation, le premier thème abordé reste celui du « plan de vie », une liste de « dévotions » à accomplir obligatoirement. Parmi elles, deux, au moins, retiennent l’attention. Les numéraires doivent ainsi porter deux heures par jour un cilice, une sorte de bracelet de fer avec des pointes autour de la cuisse. Quant aux femmes numéraires, elles « doivent dormir toutes les nuits sur une planche avec une couverture pliée en guise de matelas (jusqu’à l’âge de 40 ans) ». Les hommes en sont exemptés. Pourquoi le fondateur n’avait-t-il imposé cette « pénitence » qu’à la gent féminine ? Parce qu’il la jugeait plus superficielle que la gent masculine ! Une vie de mortifications physiques et psychiques : réfréner l’amour, la raison, la fantaisie, la chair… conduit ainsi une numéraire sur deux, âgée de plus de 35 ans, à une névrose ou à une dépression chronique.

A la question posée en préambule : y a-t-il des opusiens heureux ? La tentation est plus que jamais forte de répondre par la négative. La lecture des nombreux témoignages d’anciens adeptes français et étrangers qui émaillent l’ouvrage, fournit de multiples arguments pour une réponse décidément négative.

A lire en annexes : un petit lexique opusien fort utile, l’évolution et le déclin du mouvement en Belgique et enfin la position d’un éminent théologien, Raimon Panikkar, ancien membre de l’Opus Dei.

  • Auteur : Bruno Devos
  • Editeur : Presses de la Renaissance, Paris, 2009
  • Date de publication : 23/12/2009