La « fièvre » dont parle Jean- Loup Amselle, c’est cette nouvelle quête d’expériences initiatiques et de spiritualité New Age qui s’est emparée de touristes occidentaux. La demande croissante de ce nouveau tourisme a créé « les conditions d’une véritable industrie ».
L’expérience chamanique va de pair avec l’absorption d’ayahuasca. Ce breuvage à base de lianes, traditionnellement préparé par les chamanes des tribus indiennes d’Amazonie, qui, associé à la chacruna, devient hallucinogène. Le même phénomène de tourisme mystique et psychotropique se produit en Afrique avec une autre drogue : l’iboga. L’auteur pose la question : comment le Sud soigne-t-il le Nord ?
Le symptôme est à replacer dans son contexte, celui de la fin des grands récits, du déclin du rationalisme et de ses conséquences sociétales : fragmentation sociale, individualisme et repli sur soi, multiculturalisme et culte de la Nature. « Pour l’auteur, il convient d’ajouter au tableau le stade actuel du capitalisme addictif, celui qui exerce son pouvoir de séduction et de subornation par la consommation érigée en « impératif catégorique ». Le phénomène du tourisme psychotropique dérive aussi d’un comportement de consommateur. »
Les élites intellectuelles et artistiques sud-américaines, qui ont troqué l’espérance révolutionnaire contre cette forme de spiritualisme ethno-écolo-bobo commencent à être touchées. L’anthropologue colombienne, Alhena Caicedo-Fernandez, estime que ceux-ci pensent trouver auprès des chamanes un type de solution thérapeutique et spirituelle.
Jean-Loup Amselle nuance : « dans le discours des promoteurs de la foi chamanique, ce sont les plantes qui possèdent ce pouvoir, dont les chamanes seraient les intercesseurs qualifiés. L’un d’entre eux qui organise, depuis l’Europe, l’expédition de toxicomanes en Amazonie, vante même la psychanalyse sans transfert que représenterait la prise d’ayahuasca ». Nombre de candidats à l’aventure chamanique estiment que l’offre psychothérapeutique en Europe n’est pas satisfaisante. Pour conclure, l’auteur précise que c’est du côté de la nature qu’ils cherchent le principe de la guérison, mais « une nature largement fantasmée, devenue le substitut du pouvoir thérapeutique de l’agent humain ».
(Source : France Culture, Jacques Munier, 08.10.2013)