Cet ouvrage publié par la MIVILUDES fait le point sur un phénomène « inquiétant et potentiellement dangereux » : le satanisme. Délaissant les lieux communs habituels et évitant les amalgames, il s’adresse à tout lecteur qui s’interroge sur l’univers sataniste contemporain, mais aussi sur ses relations avec le gothisme et la musique black metal, différenciant ceux qui vouent un culte véritable à Satan de ceux qui plongent dans un « imaginaire sataniste ».
L’ouvrage revisite d’abord les origines du satanisme et de sa « créature » : Satan, affublé de noms multiples. Il rappelle qu’il est issu du système judéo-chrétien, alors imprégné de conceptions païennes du Mal, et que ce sont les théologiens qui, au VIe siècle avant JC, vont s’employer à séparer le Mal de Dieu (Yahvé) créant ainsi « le titre » de Satan. Ce dernier deviendra bientôt le « bouc émissaire de Dieu » et « l’instigateur même du Mal ».
Quant aux apparences physiques du Diable, elles sont, rappelle encore l’ouvrage, « les fruits de l’héritage mythologique » de civilisations antiques. Quelques siècles plus tard, au Moyen Age, Satan (« le Diable ») devient, pourrait-on dire, une obsession, et à la Renaissance, il devient une phobie. Le monde occidental est alors traversé par des guerres, des famines, des épidémies, des troubles religieux… S’ensuivent des « vagues meurtrières » à l’encontre de tous ceux qui, refusant l’orthodoxie chrétienne, sont catalogués de diaboliques. C’est le temps de l’inquisition et des prêtres exorcistes.
Le temps aussi de la non différenciation entre sorcellerie et satanisme. Le véritable culte de Satan naît au début du 17e siècle, qui voit l’irruption de sociétés secrètes et de rites « sauvages » inspirés de pratiques païennes et gnostiques. Les décennies suivantes adopteront une approche plus sceptique du phénomène du satanisme jusqu’à un certain 19e siècle, plongé dans le romantisme noir, qui vouera même une sorte de fascination à Satan. Par la suite apparaîtront des « théoriciens » tels Aleister Crowley et Anton La Vey qui « marqueront » le satanisme.
Le culte sataniste prend deux formes différentes selon qu’il est le fait des fondamentalistes ou d’amateurs. Les premiers s’attachent au culte de Satan ou de Lucifer, ce dernier étant rattaché à la Wicca dont les tenants se disent héritiers des sorciers… Les seconds n’appartiennent pas à un courant défini, adoptant plutôt une forme de syncrétisme. Quant aux jeunes qui , la plupart du temps, ne possèdent aucune culture religieuse, leurs pratiques pseudo-sataniques peuvent s’assimiler à un « bricolage », avec le double danger toutefois de tomber dans l’écueil de « cérémonies déviantes » ou de se faire recruter par des groupuscules mieux organisés. En marge, trois autres mouvances baignent également dans un « ensemble d’images et de références imprégnées de la thématique et de la symbolique satanistes ». Il s’agit de celles des gothiques, de la musique metal et des motards de Hells Angels. Tous mobilisent l’image du Diable qui, à leurs yeux, symbolisent provocation et révolte.
Reste cependant que le gothisme peut être une porte d’entrée sur le satanisme et que la musique metal préoccupe en raison des risques de « passages à l’acte ». Les satanistes se livrent en effet au prosélytisme au cours des concerts, là où ils rencontrent « des hommes jeunes, amateurs de musique violente et de culture marginale, tatoués, piercés et parfois drogués » qui rentrent dans le profil sociologique des adeptes potentiels !
L’autre mode de recrutement reste la toile du net. Pourtant les Pouvoirs Publics constatent finalement peu de dérives de la part d’auditeurs de musique ou de gothiques. Le « danger potentiel » viendrait plutôt de microstructures non déclarées aux plans juridique et associatif, agissant sans contraintes. Il est d’ailleurs constaté que la « quasi-totalité » des passages à l’acte sataniste ont été « le fait d’individus affiliés à de tels groupuscules ».
En conclusion, l’on observe que le « cœur doctrinal » du satanisme demeure commun : critiquer l’ordre social existant, ainsi que les « notions d’égalité, de solidarité », « de fraternité et d’aide aux plus démunis ». L’Etat reste donc très attentif aux ramifications entre certaines structures satanistes et la nébuleuse néonazie. Il l’est également face à un satanisme potentiellement « porteur de pratiques aux consonances sectaires affirmées » qui s’illustre par la mise en pratique d’actes troublant l’ordre public et attentatoires aux Droits de l’Homme et aux libertés fondamentales.
MIVILUDES, © La Documentation Française, Paris 2006