Le livre noir de l’autisme

Olivia Cattan, mère d’un enfant autiste et présidente de l’association SOS autisme, a mené une longue enquête sur les dérives dans la prise en charge des autistes.

Elle passe au crible « les marchands d’espoir » qui profitent de la détresse de personnes en recherche de solutions pour faire face à une pathologie dont les causes sont encore mal connues et les symptômes très diversifiés. Elle dénonce également la passivité des pouvoirs publics, le regard complaisant des médias et de certaines associations d’aide aux autistes. Elle reconnaît, néanmoins, une prise de conscience des autorités de santé qui commencent à faire la chasse aux mauvaises pratiques dans ce domaine.

Dans une impasse thérapeutique, nombreux sont ceux qui ont recours à des thérapies parallèles. Profitant de lacunes dans la prise en charge de l’autisme, une multitude de pseudo-thérapeutes et de coachs en ont fait un business juteux bâti sur des promesses illusoires d’amélioration des symptômes, voire de guérison.

Les causes de l’autisme étant inconnues, une multitude de traitements sont proposés, certains nécessitent un lourd protocole médicamenteux, d’autres requièrent l’absorption de produits très dangereux. D’autres encore sont basés sur des thérapeutiques complétement farfelues. Tous ont en commun de n’avoir fait l’objet d’aucune étude clinique, de ne pas respecter l’intégrité des personnes qui y ont recours et de les mettre en danger.

Olivia Cattan et son fils Ruben en ont fait l’amère expérience. A l’annonce de l’autisme de son fils, sa mère s’est tournée vers des associations qui l’ont aiguillée vers une généraliste qui déclarait avoir soigné beaucoup d’autistes (elle a été radiée depuis, mais exerce toujours à l’étranger). Elle lui a prescrit une série d’analyses coûteuses pour détecter la présence de métaux lourds dans le corps de son fils, et un régime sans gluten. Dans un second temps, elle l’a orientée vers Chronimed, une organisation co-fondée par le prix Nobel Luc Montagnier, dont sont membres de nombreux médecins. Attribuant l’origine de la pathologie à une inflammation bactérienne du microbiote, le protocole Chronimed consiste à prescrire sur une longue durée des antibiotiques, auxquels sont adjoints de nombreux autres médicaments (antifongiques, antiparasitaires, cortisone…)

Autour de ce groupe, qui s’intéresse aussi à la maladie de Lyme, gravitent des antivaccins, des homéopathes, des naturopathes, des complotistes, très organisés sur internet. Au cours de son enquête, Olivia Cattan a découvert que des milliers d’enfants avaient été traités avec ce protocole « dans ce qui ressemble à un essai clinique sauvage ». L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a lancé une procédure pour faire la lumière sur cette affaire tandis que le Conseil National de l’Ordre a lancé des procédures contre une cinquantaine de médecins membres de Chronimed.

Olivia Cattan dévoile aussi que certaines associations réclament de pouvoir essayer de nouvelles thérapeutiques sur leurs enfants et entraînent des parents vers des thérapeutes peu scrupuleux qui proposent des traitements différents en fonction de l’origine supposée de la pathologie.

Ainsi, des thérapeutes imputant l’autisme à un empoisonnement du corps dû à des causes environnementales proposent pour solution de faire une chélation (1). Un procédé qui a déjà entraîné des décès.

D’autres assurent que l’autisme aurait pour origine un mauvais fonctionnement métabolique qui pourrait être traité grâce à des régimes et des compléments alimentaires. Ces « nutrithérapeutes », qui font payer cher leurs consultations (100 euros d’après le témoignage d’une maman), prescrivent des analyses coûteuses censées détecter les aliments néfastes pour le patient.

Olivia Cattan cite aussi le neurofeedback. Cette technique consiste à apprendre à contrôler ses émotions en étudiant ses ondes cérébrales grâce à des électrodes posées sur le crâne, le but étant d’atteindre une amélioration de son état psychologique. Les séances peuvent coûter jusqu’à 200 euros.

Afin d’éviter aux familles de tomber dans le piège de thérapies sans efficacité et coûteuses, Olivia a essayé d’en dresser une liste exhaustive. Mais, dit-elle, « dès que je croyais en avoir fini, j’en découvrais une nouvelle », comme l’auriculothérapie, une sorte d’acupuncture de l’oreille. Parmi toutes ces propositions non évaluées scientifiquement, certaines présentent clairement un risque de dérive sectaire comme l’Access Bar (2), créée par un ancien scientologue. Elles peuvent amener à croire en des concepts délirants comme celui des enfants indigo (3) qui attribue aux enfants ayant des problèmes psychologiques, dont les autistes, des « compétences paranormales » qu’il faut encourager quitte à abandonner son traitement médical.

Elle profite de son ouvrage pour dénoncer l’omerta de beaucoup d’associations dont les membres désemparés face au diagnostic de l’autisme préfèrent tout tenter, quitte à ne pas reconnaître les dérives de certains thérapeutes qu’ils auraient conseillés, pour ne pas ternir la réputation de leur association. Elle se désole aussi du manque d’intérêt du monde politique pour ce sujet et reproche aux médias d’embrouiller le public en publiant des enquêtes sur des méthodes qui n’ont pas fait leurs preuves.

Mais tout n’est pas sombre et elle se félicite d’avoir le soutien de l’Ordre des médecins, de l’ANSM et de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dans son combat pour protéger les droits et l’intégrité des patients autistes.

(Source : L’Express, 14.09.2020)

(1) La chélation est un procédé chimique destiné à traiter les empoisonnements aux métaux lourds. C’est un acte médical consistant, la plupart du temps, en l’injection d’une substance organique, appelée agent chélateur qui se lie avec les métaux lourds. L’ensemble obtenu est ensuite éliminé par voie urinaire.

(2) Lire sur le site de l’Unadfi, Que sait-on de ? L’Access Bars Consciousness : https://www.unadfi.org/domaines-dinfiltration/sante-et-bien-etre/pratiques-non-conventionnelles/que-sait-on-de-laccess-bars-consciousness/

(3) Lire sur le site de l’Unadfi, Que sait-on de ? Les enfants Indigo : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/que-sait-on-de-les-enfants-indigo/

  • Auteur : Olivia Cattan
  • Editeur : Cherche Midi
  • Date de publication : 01/09/2020